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L'art populaire de la Russie

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Vassilii Bouslaev


T.Milouchina. "Vassili Bouslaev"

T.Milouchina. "Vassili Bouslaev"
Baguier. 1977 Kholouï



    Quand les autres Slaves de la Russie ancienne ne possédaient encore que des gorodiché - forteresses en terre et en palissades au milieu des bois - ceux de l'Ilmen avaient fait de Novgorod une des plus grandes cités du nord. Bien avant le temps où l'histoire écrite fait mention d'elle, elle a été riche et prospère. Les guerres perpétuelles avec les Tchoudes, les Scandinaves, les Prussiens païens, les tribus lithuaniennes et finnoises, les aventures de voyages sur toutes les mers et sur tous les lacs du nord, prêtaient à un vaste développement de l'épopée novgorodien. Que d'exploits n'avait pas à chanter cette race héroïque de guerriers et de marins!
    Pourtant le cycle novgorodien est beaucoup moins considérable que le cycle de Kiev. Le motif dominant de l'épopée kiévienne, c'est la lutte éternelle des bogatyrs contre les ennemis de la terre russe, contre les représentants fabuleux ou historiques des races nomades du sud, plus tard contre les Polovtsi, les Tatars, les Turcs. Or jamais les Polovtsi n'ont touché au territoire de Novgorod; les Tatars eux-mêmes, au temps de la grande invasion, se sont arrêtés à la croix d'Ignace, c'est-à-dire à cinquante verstes de la ville. Effrayés à l'aspect des forêts touffues qui isolaient la cité de l'Ilmen du reste de la Russie, ils rebroussèrent chemin. L'épopée novgorodienne répond bien à ce que l'histoire nous apprend de Novgorod. La lutte contre l'ennemi du dehors, cette grande préoccupation des bylines kiéviennes, n'existe pas dans celles qui portent le nom de cette ville.
    Dans toutes les chansons dont elle forme le centre, Novgorod nous apparaît presque uniquement comme une cité de hardis marchands, d'audacieux explorateurs, que n'effrayèrent ni les mers orageuses, ni les neuves inconnus, ni les immenses déserts du nord, qui étendirent leur commerce de la Flandre à la Grèce, de la Scandinavie au royaume d'Astrakhan, qui couvrirent la Russie septentrionale de leurs colonies et subjuguèrent les tribus tchoudes ou finnoises, du lac Peïpous aux monts Durais. C'était une turbulente république, où l'amour de la liberté individuelle aboutissait à la négation de l'État, où la race slave, dans l'entière expansion de ses vertus et de ses défauts, était devenue comme ingouvernable, où la lutte se poursuivait sans trêve entre les grandes familles et le peuple, entre les clientèles des boyars et les confréries des marchands, où les deux quartiers que sépare la Volkhov, celui de Sainte-Sophie et celui du Commerce, semblaient toujours prêts à se livrer bataille sur le grand pont. L'épopée novgorodienne fournit comme le commentaire poétique de ces tragiques annales.
    Le père de Vassili Bouslaévitch était pourtant d'humeur bien tranquille, un bourgeois paisible, un type rare dans Novgorod. « II était arrivé à quatre-vingt-dix ans et n'avait plus une dent dans la bouche : jamais il n'avait eu de discussion avec la ville de Kiev, jamais il ne s'était querellé avec notre mère Moscou aux murailles de pierre. Une légende dit que Bouslay, étant déjà vieux, enfin eut un fils. Il mourut laissant le «doux enfant» sous la tutelle de sa veuve, Amelfa.
    Le héros perce vite dans l'écolier. Or, terribles sont toujours les commencements des héros. Dans les gaucheries de leur force surhumaine, ils brisent tout ce qu'ils touchent. Vassili jouait avec les jeunes garçons de Novgorod ; mais « ses plaisanteries n'étaient pas légères : celui qu'il prenait par le bras, il lui arrachait le bras de l'épaule; celui qu'il attrapait par la jambe, il lui arrachait la jambe de la hanche; celui qu'il prenait par le milieu du dos, il lui cassait l'échiné.» Alors les bourgeois de Novgorod viennent porter plainte à la noble veuve, la suppliant de modérer son fils
    Il a quinze ans. C'est l'âge fixé par la légende pour les débuts héroïques. Sa mère l'engage à se choisir une droujina. Le mot vient de droug, ami, parce que tous les membres de cette société guerrière étaient censés frères et amis. Vassili écrit sur de petits morceaux de papier : «Celui qui pourra soulever la coupe d'une seule main, celui qui la videra d'un seul coup, celui qui supportera sans sourciller un coup de mon gourdin d'ormeau sera membre de ma vaillante droujina». Il attache ces billets à des flèches et avec son arc les disperse par toute la ville. Les Novgorodiens lisent cette singulière invitation et accourent en foule dans la cour de son palais, au milieu de laquelle il a déposé une grande cuve de vin et une coupe héroïque. Mais les moujiks ne peuvent même pas soulever la coupe, et Vassili les disperse à coups de gourdin.
    Alors entre dans la cour Kostia de Novotorjok. Il prend la coupe d'une seule main, la vide d'un seul trait : elle contenait pourtant quinze pintes. Vassili survient et lui assène un coup terrible de son gourdin ; Kostia ne s'émeut pas, son kolpak n'est même point ébranlé sur sa tête rebelle, ses boucles blondes ne s'agitent pas. Deux autres héros supportent la même épreuve. Alors Vassili les emmène dans son palais, leur fait servir les douces liqueurs et les vins sucrés, les honore grandement et les appelle ses frères: «Et dans Novgorod, ajoute-t-il, nous ne craignons personne.»
    En face d'elle se dresse la libre et égalitaire association des petites gens. Ces moujiks, qui ne sont pas de taille à soulever la coupe héroïque, ne sont forts que par le nombre et par l'union. Dans Novgorod ils forment la confrérie de Saint-Nicolas : les voilà qui se réunissent pour un joyeux festin. Vassili l'apprend et prétend y avoir place. «Mon cher fils, lui dit sa mère, un hôte invité trouve à se placer ; mais pour l'hôte non invité il n'y a point de place ». - « Où l'on m'assiéra, je prendrai place, répond le téméraire; ce que je pourrai saisir, je le mangerai et le boirai.»



V.Khodov "Byline"

V.Khodov "Byline"
Baguier. 1963  Kholouï



    II part avec ses frères d'armes. Les moujiks ont beau se barricader chez eux. Vassili brise tous les obstacles et s'assied parmi eux. On est bien obligé de le recevoir : le festin continue, et les gags commencent, suivant l'usage. De quoi se vantera le fils de Bouslaya? Il se vante de pouvoir tenir tête à tous les moujiks de- Novgorod : demain il se rencontrera avec eux sur le grand pont de la Volkhov, seul avec sa droujina. On «frappe le grand pari.» L'enjeu, ce n'est point de l'argent, c'est la tête de Vassili. Vaincu, il périra; vainqueur, les moujiks lui paieront tribut.
    Vassili rentre chez sa mère ; les fumées du vin dissipées, il se repent de sa fanfaronnade. Sa mère apprend la cause de sa tristesse. Alors, avec l'autorité souveraine de la veuve-mère, elle l'enferme dans une cave profonde, verrouille sur lui les portes de fer et les grilles d'acier ; suivant certaines bylines, elle lui verse un breuvage enivrant; suivant d'autres, elle court chez les anciens ou chez le prince de Novgorod, leur offre une coupe pleine d'or, une coupe pleine d'argent, une coupe pleine de perles, les suppliant de pardonner à son fils son imprudente bravade. Mais le prince et le peuple sont également inexorables : «Ce qu'il nous faut, ce n'est pas de l'or, de l'argent, ni des perles : c'est la tête rebelle de Vassili Bouslaévitch.»
    Cependant au point du jour la droujina de Vassili s'est rencontrée avec tout le peuple de Novgorod sur ce pont de la Volkhov qui fut en effet témoin, suivant l'histoire, de tant de luttes civiles, en attendant qu'il vit les noyades d'Ivan le Terrible et le supplice des derniers chefs républicains. Une journée entière, la droujina lutte contre la multitude, mais Vassili ne paraît pas ; une seconde journée, elle lutte, Vassili n'a point paru ; une troisième journée, elle lutte, avec du sang jusqu'aux genoux, Vassili reste toujours enfermé ou assoupi.L'absence de Vassili a probablement un sens mythique. Cette éclipse qui dure trois jours chez Vassili, douze jours chez Ilia, rappelle involontairement celles du soleil. Le rapproche ment est d'autant plus naturel que Vassili est plongé dans une cave profonde, comme le soleil dans les abîmes de l'Océan, et que dans certaines bylines apparaît un personnage énigmatique, une fille Tchernavouchka qui, sur Tordre d'Amelfa, saisit le héros avec une force irrésistible pour l'entraîner dans la cave : c'est elle encore qui, le moment venu, ira le délivrer.
    Au matin du quatrième jour, les frères d'armes de Vassili supplient Tchernavouchka de ne pas les abandonner en ce danger extrême. Elle saisit un fléau et abat des files entières de Novgorodiens. Puis elle court au cachot de Vassili et lui crie : « Ce n'est pas tout de se vanter dans les festins, il faut se montrer dans les combats. Tes compagnons d'armes ont tous la tête rompue des coups de marteau, le front enveloppé de bandelettes, et tu dors!» Alors il brise les portes de fer et les grilles d'acier. Comme sa mère lui a caché ses armes héroïques et son bon cheval, il prend ce qui lui tombe sous la main : un essieu de chariot. Vassili accourt au pont de la Volkhov: « Ma brave droujina, ce n'est pas moi qui vous ai livrés, c'est ma noble mère qui vous a livrés.» regagne bien vite le temps perdu : «lorsqu'il frappe en avant, il fraie une route, lorsqu'il frappe en arrière, il trace une rue.» Les moujiks sont étendus par monceaux, par montagnes. Ils vont chercher au monastère de Saint-Cyrille le frère par échange de croix (krestny brat} de Vassili. En guise de casque, il a pris dans le clocher une cloche qui pèse treize mille livres et s'en est coiffé le chef. «Ah! Mon frère de croix, s'écrie-t-il impatienté, c'est le diable qui t'amène sur mon chemin; l'affaire est chaude ici ; ce sont nos têtes, frère, qui sont en jeu.» Mais le kalik l'a frappé de son bâton : suivant des versions très modernisées, il est venu le fusil sur l'épaule. D'un coup de son essieu de chariot, Vassili pulvérise la cloche sur la tête de son frère : «quant au frère, il est déjà mort»
    Ni son frère, ni son père de croix n'ont pu arrêter la fureur de Vassili. C'en est fait des Novgorodiens : il n'en laissera «même pas pour la semence.» Quel secours espérer contre lui? Nul autre que celui de sa mère. C'est à Novgorod surtout que le pouvoir politique des femmes a été considérable; la race des héroïnes s'y est d'ailleurs conservée plus longtemps que dans la Russie moscovite. Quand Novgorod luttait au xv siècle contre Ivan le Terrible, ce fut une femme Marfa la possadnitsa qui se fit le chef du mouvement, arma ses fils et ses clients, souleva le peuple dans les assemblées, commanda les troupes de la république. La mère de Vassili : elle seule arrêtera ce furieux patricien, enragé contre la plèbe novgorodienne. Elle prend son casque et ses armes, elle s'élance dans la rue en pure chemise, tant sa hâte est grande. Elle saisit son fils par derrière et l'enlace de ses bras ; «Écoute, mon doux enfant, calme ton cœur; ne t'irrite pas contre ta souveraine, ta mère; cesse un combat meurtrier.» Vassili laisse échapper le fer de sa main.
    Après les guerres civiles, quelle carrière s'ouvrait à l'activité des héros novgorodiens? Courir les lacs, les rivières et les déserts du nord, inquiéter les autres principautés russes, soumettre au tribut les Tchoudes, les Tchérémisses, les Mordves, les Zyrianes, les Votiaques, et autres peuplades des régions du nord. C'est de Novgorod surtout que partent ces essaims de bons compagnons, ver sacrum d'aventuriers, qui allèrent fonder des colonies nouvelles sur la Dvina, le Volga, la Kama- et qui étendirent les possessions novgorodiennes jusqu'en Sibérie.
    Vassili équipe un vaisseau, réunit ses trente bons compagnons. Il demande à sa mère sa bénédiction : «Je vais à Jérusalem, avec ma droujina intrépide ; je veux me prosterner aux saints lieux, me baigner dans la rivière du Jourdain.» — «Quand tu iras à de bonnes œuvres, je te donnerai toujours ma bénédiction; mais quand tu vas au brigandage, mon enfant, tu n'as pas ma bénédiction, car tu es alors un fardeau pour la terre humide.»II monte sur le vaisseau aux flancs vermeils, traverse le lac Ilmen et s'informe du plus court chemin pour Jérusalem : « Jusqu'à Jérusalem, en droite ligne, sept semaines; en faisant un détour, il faut dix-huit mois. Sur la Caspienne sont cantonnés des brigands qui pillent les vaisseaux.» Donc c'est par la mer Caspienne que prendra le fils de Bouslay.
    On arrive à une haute montagne, la montagne sarrasine : en chemin, Vassili rencontre un crâne humain desséché : il le pousse du pied pour l'écarter. Le crâne lui dit alors : « Écoute, Vassili Bouslaévitch; pourquoi me repousses-tu? je te valais bien, jeune homme; moi aussi je fus un héros ; sache que sur cette montagne sarrasine, où gît ma tête vide, la tête vide d'un brave, reposera aussi la tête de Vassili.» Vassili cracha et passa: «Ou bien c'est un ennemi qui parle en toi, tête maudite, ou bien c'est l'esprit impur.» Au sommet de la même montagne, il y a une pierre qui porte cette inscription : «Celui qui essaiera de me sauter en long se rompra le cou.» Vassili, incrédule à tous les présages, continue son chemin.
    Il va et les cosaques de la Caspienne qui devaient le dépouiller sont saisis d'effroi rien qu'à son approche. Leurs atamans s'écrient : «Voilà trente ans que nous sommes sur cette île, jamais nous n'avons vu pareille panique; sûrement c'est Vassili Bouslaévitch qui s'avance : son vol est celui du faucon, sa conduite est celle d'un brave. » Au lieu de l'attaquer, ils lui font des présents. A son retour de Palestine, Vassili reprend le chemin de la patrie et repasse par la montagne sarrasine, au sommet de laquelle est la pierre mystérieuse.Les hommes de la droujina s'amusent à la sauter en largeur : Vassili prétend la sauter en longueur. Il tombe de cheval et se tue. La fatalité avait barre sur lui : le héros novgorodien, ce type national des aventuriers de l'Ilmen, trouvait aux pays lointains une mort inévitable après une pareille vie.
    L'épopée de Vassili Bouslaévitch abonde en traits merveilleux la tille noire, plus forte que le héros invincible; les deux kaliki avec leurs prodigieux casques de bronze,la tête de mort qui parle et la pierre qu'on ne peut franchir. Mais dans l'ensemble elle est une épopée historique: le type de Vassili reproduit à merveille le caractère novgorodien : ses aventures sont celles de son peuple.





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  Vassili Bouslaev



I y avait à Novgorod Bouslay,
Bouslay vécut nonante ans,
Bouslay vécut en tout mille ans ;
Ayant vécu, Bouslay ne vieillit pas,
Il ne vieillit pas et trépassa,
Avec Novgorod, Bouslay ne se disputa pas,
Avec Moscou de pierre,
Il n'eut pas de contestation.
Il laissa un enfant chéri,
Le jeune Vassili, fils de Bouslay,
Et Vassinka se mit à courir les rues,
À faire des niches avec les gamins :
Il tire le bras à l'un, voilà le bras au loin,
Il tire la jambe à l'autre, voilà la jambe au loin.
On se mit à aller trouver la mère de Vassili,
à l'aller trouver, à se plaindre :
«Eh! Toi, honorable veuve Amelfa Timoféievna !
Arrête donc ton enfant chéri ;
Si tu n'arrêtes pas Vassili Bousslaiev,
Nous le jetterons dans la rivière Volkhov.»
Pour dissiper son ennui, son chagrin,
Vassili distilla le vin d'herbes,
Il fit cuire le doux hydromel,
Vassiliouchka fit un festin de gala
Pour beaucoup de princes, de boiars,
Et pour les moujiks de Novgorod.
Et Vassinka dit ces paroles :
«Celui qui boira une tasse de vin d'herbes,
Une tasse de la mesure d'un védro et demi,
Une tasse du poids d'un poud et demi,
Et celui qui supportera l'orme rouge,
Qu’il vienne au festin de gala.»
Le petit Potaniouchka va au festin de gala,
Le petit Potaniouchka le brave,
Boiteux d'une jambe, regard en dessous ;
Il prend la tasse d'une main,
Il boit la tasse d'une seule lampée.
Vassiliouchka Bouslayiévitch le frappe
De son orme rouge sur sa tête misérable :
Potaniouchka reste debout, ne bouge pas,
Ses boucles jaunes ne s'agitent pas,
Il fit ses salutations et alla au festin.
Va aussi au festin Kostia de Novotorjok.
Alors Vassili fils de Bouslay
Dressa des tables de chêne,
Mit les mets doux comme sucre,
Mit les boissons de miel,
Les hydromels étaient tous incorruptibles,
Il roule des tonneaux
Dans la cour aux cottes de mailles :
«Mangez donc chez moi jusqu'à satiété,
Et buvez donc jusqu'à l'ivresse,
Seulement ne vous disputez pas entre vous. »
Alors les moujiks de Novgorod mangèrent à satiété
Burent jusqu'à l'ivresse.
Le soleil rouge est au soir,
Le festin de gala -se passe dans la joie,
Et tous étaient ivres et joyeux,
Et ils se disputèrent entre eux.
Alors Vassili prend son orme rouge,
Et se mit dans la cour à faire le moulinet,
Et se mit à en caresser les moujiks,
Et les moujiks quittèrent
Le festin à grandes enjambées :
«Le diable soit de toi, Vassili, avec ton festin !
On a mangé au festin,
On a bu et on en a attrapé pour la fin de ses jours.»
Alors les moujiks de Novgorod
Furent eux aussi leur festin de gala
Pour beaucoup de princes, de boiars,
Pour les puissants bogatyrs russes...





e rouge soleil est au soir,
Le festin de gala se passe dans la joie,
Et tous étaient ivres et joyeux
Et tous au festin se vantaient.
Alors Vassili fils de Bouslay,
Par bêtise, par une idée d'ivrogne,
Vassili fit le grand pari d'aller
Dès le matin au champ du Volkhov,
Lui, Vassili, avec sa droujina,
Se battre contre tous les moujiks avec Novgorod,
Quand Vassili sortit du festin de gala,
Il tenait la tête penchée sur le côté droit,
Fichait ses yeux sur la terre humide,
II va au palais princier, et sa mère lui dit :
«Eh! Toi, mon enfant chéri,
Jeune Vassili, fils de Bouslay !
Pourquoi t'en vas-tu chagrin et triste?
N'as-tu pas eu une place selon ton nom,
Ou bien ne t'a-t-on pas passé la tasse,
Ou un moujik ivrogne s'est-il ri de toi? »
Vassili ne peut ni répondre à sa mère,
Ni la saluer, mais sa brave droujina dit :
«Vassili a eu une place selon son nom,
On n'a pas oublié de passer la tasse à Vassili,
Un moujik ivrogne ne l'a pas injurié ;
Mais Vassili a fait le grand pari avec
Les moujiks de Novgorod d'aller
Dès le matin au champ du Volkhov,
Lui, Vassili, avec sa droujina,
Se battre contre tous les moujiks avec Novgorod.»
Alors sa mère, l'honorable veuve Amelfa Timoféevna,
Passa ses souliers sur ses pieds nus,
Jeta sur une épaule une pelisse de zibeline,
Et prit ses clefs d'or
Et alla dans ses caves profondes,
Se chargea d'un plat d'or rouge,
D'un second plat d'argent pur,
Et d'un troisième plat de perles qui roulent ;
Et alla trouver les moujiks au festin de gala.
Elle fait le signe de croix comme on le prescrit,
Fait les prosternations comme on les enseigne :
«Salut, Mikoula Sélianinovitch !
Salut, Kozma Rodionovitch ! »
Et elle mit les cadeaux sur la table de chêne :
«Recevez donc des cadeaux de la part de Vassili
Et pardonnez à Vassili pour sa faute.»
Les moujiks de Novgorod disent :
«Nous n'acceptons pas de cadeaux de Vassili
Et nous ne pardonnons pas à Vassili pour sa faute.
Et que le Seigneur nous accorde de nous saisir de Vassili,
De monter les bons chevaux de Vassili,
De conserver les vêtements de couleur de Vassili,
Et d'emporter le trésor d'or de Vassili.»
Alors l'honorable veuve Amelfa Timoféevna
S'en revint du festin de gala,
Et elle frappa avec sa jambe droite
Le chambranle d'érable du portail,
Et le chambranle vola sur la clôture d'arrière
Et la clôture d'arrière fut mise en miettes.
Vassili au matin dort, il se dorlote,
Il ne sait pas le malheur qui est sur lui...
Elle allait à la source chercher de l'eau,
Et elle dit ces paroles :
Eh! Vassili, fils de Bouslay!
Bien que tu dormes, que tu te dorlotes,
Tu ne sais pas le malheur qui est sur toi ;
Ta brave droujina se bat
Sur le pont du Volkhov :
Les têtes misérables sont brisées
Et toutes sont bandées de mouchoirs blancs.»
Alors Vassili fils de Bouslay
Bien vite se réveilla de son profond sommeil,
Il chaussa des souliers sur ses pieds nus,
Jeta une pelisse de zibeline sur une épaule ;
Et Vassili prit son orme rouge,
Et Vassili bondit dans le champ du Volkhov.
Et le moine Andronichtché rencontre Vassili
Sur le pont du Volkhov,
Et il porte sur la tête la grande cloche de Sainte- Sophie
Et Vassili fils de Bouslay dit :
«Eh ! toi, moine Andronichtché,
Et encore mon père de baptême !
Je ne t'ai pas donné d'œuf pour le jour de Pâques,
Je t'en donnerai un pour la Saint-Pierre.
Et il frappa avec son orme rouge
Sur la grande cloche de Sainte-Sophie
Et il tua le moine Andronichtché, son père de baptême.
Et il courut au champ du Volkhov,
Et se mit à manier son orme :
Partout où il frappe, des rues s'abattent,
Il continue à frapper, il fait des ruelles,
Et il massacre tous les moujiks de Novgorod.
Et les moujiks allèrent trouver sa mère :
«Eh ! toi, mère de Vassili,
Honorable veuve Amelfa Timoféevna !
Retiens ton enfant chéri,
Laisse des moujiks au moins pour la graine...»





assili fils de Bouslay dit :
Eh! Ma brave droujina!
J'ai fait la grande promesse
Que nous irions ensemble à Iérousalim,
Prier le saint sanctuaire,
Et baiser le tombeau du Seigneur,
Et nous baigner dans la rivière Iordan.»
Et il s'en alla à Iérousalim
Avec toute sa brave droujina.
Et il était en face de la montagne Sion nos mers,
Et Vassili fils de Bouslay dit :
«Eh! Toi, ma brave droujina !
Allons à la montagne Sion notre mère.
Et ils allèrent à la montagne Sion notre mère,
Et Vassili trouva un os vide,
Et il se mit à pousser du pied l'os
Sur la montagne Sion notre mère.
Et l'os vide lui annonce d'une voix humaine :
«Ne me pousse pas du pied,
Vassili fils de Bouslay !
Car tu reposeras avec moi sur la montagne Sien
Dans les siècles des siècles.»
Vassili cracha et passa outre
Et lui-même dit ces paroles :
«Cet os a dormi, il a eu un rêve !»
Quand ils furent à Iérousalim,
Ils prièrent le saint sanctuaire,
Ils baisèrent le tombeau du Seigneur.
Se baignèrent dans la rivière Iordan.
Vassili fils de Bousslaev baigne le corps nu,
Et la fille Tchernavouchka lui dit :
«Eh! Toi, Vassili fils de Bouslay,
Pourquoi te baignes-tu le corps nu ?
Celui qui chez nous se baigne le corps nu,
Il ne parvient pas chez nous vivant.»
Ils arrivèrent en face de la montagne Sion notre mère,
Et Vassili fils de Bouslay dit :
«Eh! Toi, ma brave droujina !
Allons sur la montagne Sion notre mère,
Nous y verrons des os vides.
Mais là ils ne trouvèrent pas d'os vides,
à leur place est une pierre blanche qui luit.
Et Vassili fils de Bouslay dit :
«Eh! Toi, ma brave droujina !
Nous sauterons par-dessus la pierre blanche qui luit.»
Et ils se mirent à sauter par-dessus la pierre blanche qui luit
La droujina saute d'abord,
Mais lui, Vassili fils de Bouslay,
Sauta après par-dessus la pierre blanche qui luit,
Et il se brisa sa tête misérable,
Et resta là gisant dans les siècles des siècles.