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Ilia et Solovei le brigand


    Cependant Ilia Mouromets n'avait demandé leur bénédiction à ses parents que pour se rendre auprès de Vladimir. Ilia chevauche donc vers Kiev. Avant de partir il avait fait un vœu, celui « de ne pas ensanglanter ses mains.» Ce trait d'humanité n'est pas le seul à relever dans sa légende. Son bon cheval, à chaque foulée, franchissait une verste, enjambant les lacs, les rivières et les forêts.



 A.Kosterin."Ilia Mouromets et Solovei le brigand"

A.Kosterin."Ilia Mouromets et Solovei le brigand"
Baguier. 1963  Kholouï



    Pour aller de Mourom à Kiev, il y a deux chemins : un plus long, un plus court; mais le plus court est infesté par Solovei le brigand. Ilia trouve honteux de faire un détour, et au bout de 500 verstes il se trouve en présence de l'ennemi.
    Un monstre bien étrange que ce Solovei ! Son nom signifie le Rossignol; mais il rappelle plutôt les gigantesques oiseaux du lac Stymphale, les ignobles harpies. Il s'était bâti un nid sur sept chênes, étendait ses griffes à sept verstes autour de lui et depuis trente années infestait la contrée. Il rugissait à la manière des bêtes fauves, hurlait à la manière des chiens, «sifflait comme un rossignol.» Seulement, quand il sifflait, les grands arbres des forêts se courbaient jusqu'à terre. A ce sifflement', le bon cheval d'Ilia tomba sur ses genoux. De sa cravache de soie le héros le cingla entre les deux oreilles et sur ses flancs rebondis : «Gibier de loup, sac à foin, lui dit-il, n'as-tu jamais entendu le rugissement des bêtes, n'as-tu jamais entendu le hurlement des chiens, n'as-tu jamais entendu le sifflement du rossignol?» Mais il vit que le péril était grand ; oubliant son vœu téméraire, il banda son arc, et de sa flèche d'acier atteignit le brigand à l'œil droit.
    Solovei dégringole de son nid : Ilia l'attache h son étrier et se met en devoir de l'emmener. La femme et les enfants du monstre saisissent des épieux pour assaillir le héros, puis s'efforcent de négocier la rançon du brigand. On apporte à Ilia une coupe pleine d'or, une coupe pleine d'argent, une coupe pleine de perles. «C'est pour ma peine ! Dit-il en les prenant; mais je ne vous rendrai pas votre père, il recommencerait ses brigandages.» Ilia refuse l'argent. Il conserve ce caractère de héros désintéressé qui contraste avec les données de l'épopée germanique, où l'on s'égorge pour l'or rouge de la bruyère ou le trésor des Nibelungen. De même, quand les moujiks de Tchernigov viennent le remercier d'avoir délivré le pays et lui offrir de l'or et le gouvernement de leur cité, il refuse la fortune comme le pouvoir. Il a hâte d'arriver auprès de Vladimir pour les fêtes de Pâques.
    Il est arrivé; il a franchi la grande porte du palais, il est entré dans la salle d'honneur du Beau-Soleil. «II fait le signe de la croix comme il est ordonné, salue comme il est prescrit, s'incline vers les quatre côtés, principalement devant le gracieux prince Vladimir et devant la princesse Apraxie.» - «Salut, lui dit Vladimir; salut, brave et bon compagnon. J'ignore ton nom et ton pays. Es-tu tsar ou fils de tsar? Es-tu roi ou fils de roi ?» Le fils de paysan décline son nom, annonce sa capture. Tout le monde s'empresse pour voir le brigand. Vladimir l'invite à rugir comme une bête fauve, à siffler comme un rossignol.
    Solovei refuse - «Je ne mange pas ton pain, dit-il au prince de Kiev, je ne suis pas ton serviteur, ce n'est pas à toi que j'obéirai.» Mais il obéira au Mouromets, qui lui renouvelle l'ordre de siffler. Pour le mettre en verve. Le gracieux prince lui verse une coupe de vin de la contenance de quinze pintes. Solovei l'empoigne d'une seule main, la vide d'un seul trait, à la manière héroïque. Ilia lui avait enjoint de ne rugir, de ne siffler qu'à demi pour épargner le prince et ses gens ; mais le monstre, par malice, rugit et siffle à pleine gorge.
    A ce sifflement s'écroulent les toits du palais; tous les convives tombent demi-morts. Mais Ilia a protégé le prince et la princesse : il a pris Vladimir sous un de ses bras, la princesse sous l'autre bras, comme une poule ferait de ses petits. Dans certaines chansons, Vladimir, d'effroi, marche à quatre pattes. En punition de sa désobéissance, le héros saisit le brigand et le coupe en menus morceaux qu'il répand dans la campagne.
    Voilà donc Ilia de Mourom entré au service du prince, ou plutôt au service de la terre russe, assaillie par tant d'ennemis. Il devient le chef des bogatyrs de Kiev, leur voïévode. Avec eux, il monte la garde aux barrières de la capitale, pour empêcher que «nul piéton ne les dépasse, que nul cavalier ne les franchisse, que nulle bête fauve ne les escalade, que nul oiseau de mauvais augure ne vole au-dessus.»



A.Sotskov."Ilia Mouromets"

A.Sotskov."Ilia Mouromets"
Baguier. 1972  Kholouï





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e la ville de Mourom,
Du bourg de Karatcharovo
Sortit un hardi bon gros garçon ;
Il avait assisté aux matines à Mourom
Et pour la messe il voulait arriver à la capitale de Kiev,
Et il approchait de la ville fameuse de Tchernigov.
Comme il approchait de la ville fameuse de Tchernigov,
Les moujiks tchernigoviens alors sortirent
Et ouvrirent les portes de Tchernigov
Et l'appelèrent dans Tchernigov comme voiévode
Et Ilia leur dit ces paroles :
«Eh! Vous, moujiks de Tchernigov!
Je n'irai pas chez vous, à Tchernigov comme voiévode.
Montrez-moi la route directe,
La route directe de la ville capitale de Kiev ».
Les moujiks de Tchernigov lui dirent :
«Eh ! Hardi bon gros garçon,
Illustre bogatyr saint-russien !
La route directe est garnie de troncs d'arbres,
Garnie de troncs d'arbres, de mottes de gazon,
Par cette route directe
Personne à pied ne peut aller,
Sur son bon cheval personne ne peut passer :
Et a-u lieu les Boues Noires ,
Auprès d'un bouleau aux branches tombantes,
Auprès de la rivière Smorodina,
Auprès de la croix de Lévanide,
Est perché Solovei le brigand sur un chêne humide,
Est perché Solovei le brigand fils d'Odikhmant,
Et là Solovei siffle comme un rossignol,
Il crie, le malfaiteur brigand, comme une bête,
Et par suite de son sifflement de rossignol,
Par suite de son cri de bête sauvage,
Toutes les herbes, les gazons décampent,
Toutes les fleurs d'azur s'éparpillent,
Les forêts sombres toutes se penchent sur la terre,
Et les hommes, tant qu'ils sont, tous sont étendus morts.
Par la route directe il y a cinq cents verstes,
Et par le chemin détourné, en tout mille.»
II lâcha son bon cheval de bogatyr,
Il chevaucha par la route directe.
Son bon cheval de bogatyr..




e mit à galoper de monts en monts,
se mit à enjamber collines et collines,
Il sème entre ses jambes petites rivières et lacs.
Il arrive à la rivière Smorodinka,
Au lieu dit la Boue Noire,
Au bouleau aux branches tombantes,
Vers la fameuse croix de Lévanide.
Solovei siffla comme un rossignol,
Le malfaiteur brigand cria comme une bête,
Alors toutes les herbes, les gazons décampèrent,
et les fleurs d'azur s'éparpillèrent,
Les forêts sombres se penchèrent à terre.
Son bon cheval de bogatyr
Bronche sur une racine ;
Alors le vieux cosaque Ilia Mouromets
Prend dans sa main blanche son fouet de soie,
Et frappe son cheval aux cuisses grasses ;
Et Ilia dit ces paroles :
«Eh! Viande à loups, sac à herbes !
Ne veux-tu plus marcher ou ne peux-tu plus me porter,
Que tu bronches, chien, sur une racine?
N'as-tu jamais entendu siffler un rossignol,
N'as-tu jamais entendu crier une bête,
N'as-tu donc jamais vu de lutte de bogatyrs ?»
Et alors le vieux cosaque Ilia Mouromets
Prend son arc dur, à la forte détente,
Il le prend dans ses blanches mains,
Il tendit la corde de soie,
Et il plaça la flèche durcie au feu,
Et la lâcha sur Solovei le brigand,
Il lui creva l'œil droit avec la tempe.
Et il fit tomber Solovei sur la terre humide,
Et il l'attacha à son étrier d'acier de droite,
Et l'emmena dans la fameuse rase campagne,
Il arrive à la ville capitale de Kiev,
Chez le fameux prince dans la vaste cour.
Alors le prince Vladimir sortait de l'église de Dieu,
Il arriva au palais à pierres blanches
dans sa salle à manger,
Ils s'assirent pour manger, boire et goûter le pain.
Goûter le pain et dîner.
Et alors le vieux cosaque Ilia Mouromets
Arrêta son cheval au milieu de la cour,
Et entra lui-même au palais à pierres blanches,
Il passe dans la salle à manger,
Il ouvre la porte au large, sur ses gonds,
Il fait le signe de croix comme on le prescrit,
Il fait les prosternations comme on les enseigne,
Il s'incline bas dans toutes les quatre directions
Et vers le prince Vladimir particulièrement,
Puis vers tous les princes apanages.
Alors le prince Vladimir se mit à interroger le gars :
«Dis-moi donc, d'où es-tu, gros bon garçon,
Comment t'appelle-t-on de ton nom,
Et comment te nomme-t-on d'après ton père ?»
Le vieux cosaque Ilia Mouromets dit :
«Je suis de la fameuse ville de Mourom,
Du bourg de Karatchirovo,
Je suis le vieux cosaque Ilia Mouromets,
Ilia Mouromets fils d'Ivan. »
Vladimir lui dit ces paroles :
«Eh ! Vieux cosaque Ilia Mouromets,
Et y a-t-il longtemps que tu es parti de Mourom
Et par quelle route es-tu venu à Kiev capitale ?
Ilia dit ces paroles :
«Eh ! Toi, fameux Vladimir de Kiev capitale !
J'ai assisté aux matines de Pâques à Mourom,
Et j'ai voulu arriver pour la messe à Kiev capitale,
Et j'ai été retardé en chemin ;
Et j'ai passé par la route directe,
Par la route directe, j'ai passé près de Tchernigov,
J'ai passé près de la Boue Noire,
Près de la fameuse rivière Smorodina,
Près du fameux bouleau qui penche,
Près de la fameuse croix de Lévanide.»
Vladimir lui dit ces paroles :
«Eh ! Paysan villageois,
En face, moujik, tu mens,
En face, moujik, tu te moques !
Mais sous la fameuse ville de Tchernigov
Et au lieu la Boue Noire,
Près de la fameuse rivière Smorodina,
Près du bouleau aux branches qui penchent,
Auprès de la croix de Lévanide,
Est perché Solovei le brigand, fils d'Odikhmant,
Et quand Solovei siffle comme rossignol,
Quand le malfaiteur brigand crie comme bête,
Toutes les herbes, les gazons décampent,
Les fleurs d'azur s'éparpillent au loin,
Les forêts sombres s'inclinent vers la terre,
Et les hommes, tant qu'ils sont tous, sont étendus
morts.»
Ilia lui dit ces paroles :
«Vladimir, prince de Kiev capitale !
Solovei le brigand est dans ta cour,
Il a l'œil crevé avec la tempe,
Et il est enchaîné à l’étrier d'acier. »
Alors Vladimir, prince de Kiev capitale,
Bien vite se leva sur ses jambes fringantes,
Il jeta sur une épaule sa pelisse de martre,
Sur âne oreille son bonnet de zibeline,
Il sortit dans sa large cour
Pour voir Solovei le brigand.
Le prince Vladimir lui dit ces paroles :
«Siffle donc, Solovei, comme rossignol,
Crie donc, chien, comme bête sauvage. »
Solovei le brigand fils d'Odikhmant lui dit :
«Ce n'est pas chez vous, prince, aujourd'hui que je dîne,
Ce n'est pas vous que je veux écouter,
Dîne chez le vieux cosaque Ilia Mouromets,
Est lui que je veux écouter.»
Vladimir prince de Kiev capitale dit :
Eh ! Vieux cosaque Ilia Mouromets !
Ordonne à Solovei de siffler comme rossignol,
Ordonne-lui de crier comme bête.»
Ilia dit ces paroles :
Eh ! Solovei le brigand fils d'Odikhmant !
«le un demi-sifflet de rossignol,
Crie un demi-cri de bête sauvag.»
Solovei siffla comme rossignol,
Le brigand cria comme bête sauvage ;
Les coupoles sur les térems se faussèrent,
Et les vitres aux térems s'éparpillèrent
à la suite de ce sifflet de rossignol,
Et les gens, tant qu'ils sont, sont tous étendus morts ;
Et Vladimir, prince de Kiev capitale,
Se couvre de sa pelisse de martre.
Et alors le vieux cosaque Ilia Mouromets
Bien vite monta son beau cheval,
et emmena Solovei en rase campagne,
Et il lui trancha sa tête misérable.
Et Ilia dit ces paroles :
«Tu cesseras donc de siffler comme rossignol,
tu cesseras donc de crier comme bête sauvage,
Tu cesseras donc de mettre en larmes les pères et mères,
Tu cesseras donc de rendre veuves les jeunes femmes,
Tu cesseras donc de rendre errants et orphelins les petits enfants.»
Alors pour Solovei on chante gloire,
On chante gloire dans les siècles des siècles..