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L'art populaire de la Russie

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 A.Kamorin."Sviatogor"

A.Kamorin."Sviatogor"
Panneau. 1966 Kholouï


    Le bylines n'est pas qu'une broderie sur des thèmes d'histoire. C’était le temps quand la Russie eut à subir l’invasion des mongols. Le paysan a besoin, pour son travail civilisateur, de la protection des gens de guerre, bogatyrs. Ces bogatyrs, ils sont aux «barrières» : Leur rôle est de partir pour la «rase campagne» afin de combattre l'ennemi qui menace : brigands redoutables, embusqués dans leurs repaires, nomades vivant de rapines, écumeurs des steppes mâles ou femelles, tenant le maquis, échappés des hordes. Et parmi ces bogatyrs, il y en a un qui les domine tous, c'est le paysan du pays de Mourom, le vieux cosaque Ilia.
    Son courage, son désintéressement, sa bonne humeur, son sentiment de l'honneur, toutes ses vertus relèvent au-dessus des autres et en ont fait un Saint.Ilia est le paysan devenu, par nécessité, bogatyr. Les autres sont d'origine plus relevée, princière ou noble : Dobrynia, Diouk Stépanovitch, Tchourilo Plenkovitch ; Aliocha Popovitch représente le clergé. Mais aucun n'atteint à la valeur et à la force d'Ilia Mouromets. Un seul être lui est supérieur : le mendiant, homme de Dieu.
    Ces guerriers ont bientôt à combattre à terrible adversaire. La Russie eut à subir pendant un siècle et quart le joug mongol. Cet événement, dont les conséquences ont été incalculables, a laissé dans l'esprit du peuple une trace ineffaçable. L'instinct de conservation de la race slave a réagi violemment en face de ce danger mortel. Des lors tout, dans la byline, vint se grouper autour du fait de la conquête tatare.
    Ilia, avant de se révéler comme un bogatyr, était resté trente années comme perclus et paralysé. Un jour que son père et sa mère travaillaient aux champs apparaissent deux vieillards divins. « Ilia de Mourom, fils de paysan, lui crient-ils, ouvre-nous les larges portes, fais-nous entrer dans ta maison. - Hélas ! répond l'infirme, je ne puis ouvrir les larges portes. Il y a trente ans que je reste assis ; je ne puis remuer ni les bras ni les jambes. - Lève-toi, Ilia, sur tes pieds rapides, ouvre-nous les larges portes, fais-nous entrer dans ta maison.» Ilia se lève en effet et va leur ouvrir. Les inconnus lui présentent alors une coupe remplie d'un certain breuvage. «Que sens-tu en toi, Ilia de Mourom? demandent les étrangers. - Je sens en moi une grande force.- Ilia, tu seras un grand héros ; tu ne dois pas mourir en bataille. Ilia s'en va sur la grande route, et dès qu'il rencontre un moujik conduisant par la bride un cheval teigneux, il le lui achète au prix qui lui est demandé; puis, pendant trois nuits consécutives, il promène et baigne le dans la rosée du jardin .
    Quand cette médication est terminée, Ilia se place à cheval devant une haute muraille, et la bête rustique, devenue un coursier, la franchit d'un seul bond. Alors Ilia demande à ses parents leur bénédiction et s'en va dans la rase campagne.Bientôt il rencontre une tente blanche-dressée au pied d'un chêne. Il y entre et trouve un lit de 70 pieds de longueur. Bravement il s'y couche et s'y endort d'un sommeil qui dure trois jours et trois nuits. Soudain on entend du côté du nord un bruit terrible : la terre maternelle en est ébranlée, la forêt sombre ondule comme un champ de blé, les neuves débordés escaladent leurs rives. Ilia dort toujours. Alors son bon cheval l'éveille en le touchant de son sabot, et, prenant une voix humaine, comme les coursiers homériques d'Achille, lui dit : «Debout, Ilia de Mourom! pendant que tu sommeilles, tu ne sais pas le danger qui te menace. Voilà Sviatogor qui revient dans sa tente. Laisse-moi fuir dans la campagne rase et monte toi-même sur le chêne humide».
    Ilia avait à peine suivi ce conseil qu'il voit s'avancer, dominant de sa poitrine les hautes forêts, touchant de sa tête les nuages voyageurs, un cavalier qui porte sur son épaule un coffret de cristal. Arrivé au pied du chêne, il ouvre le coffret avec une clé d'or ; il en sort une femme d'une merveilleuse beauté. Elle prépare le dîner de Sviatogor, qui mange et s'endort sur son grand lit. C'est alors qu'elle avise Ilia dans les branches du chêne. Elle le somme de descendre, autrement elle avertira le géant. Quand il est descendu, elle l'invite à se livrer à l'amour avec elle, autrement elle réveillera Sviatogor et dira qu'il est venu pour lui faire violence. Ilia est bien obligé de céder.
La belle infidèle met ensuite Ilia de Mourom dans la poche du mari trompé et éveille Sviatogor, qui la renferme à clé dans le coffret de cristal. Il remonte sur son cheval et se dirige vers les Saintes-Montagnes; mais le coursier titanique trébuche, et, comme son maître le frappe de sa cravache de soie, il se plaint d'une voix humaine : «Auparavant je ne portais qu'un héros et ta femme héroïque, maintenant je porte une femme et deux héros; il n'est pas étonnant que je trébuche.» Sviatogor tire de sa poche Ilia de Mourom, l'interroge et apprend de lui la vérité. Alors il tranche la tête à sa femme et fait avec son prisonnier un pacte de fraternité guerrière : Sviatogor sera le grand frère et Ilia le jeune frère.
    C'est pendant ses expéditions en compagnie du géant que le héros de Mourom fait visite, dans les Saintes-Montagnes, au père de son grand-frère. Le vieux était aveugle. Il demande à serrer la main d'Ilia pour voir si les bogatyrs russes ont les membres forts et le sang chaud. Le héros, prévenu par son ami, prend un énorme morceau de fer, le fait rougir au feu et le tend au vieillard. Celui-ci le serre à en faire jaillir les étincelles et les paillettes enflammées. « Bien, dit-il au jeune brave, tu as la main forte et le sang chaud; tu es un véritable héros»
    Cependant la destinée que le « forgeron des montagnes du nord » a forgée pour Sviatogor va s'accomplir. Comme les deux frères d'armes chevauchaient vers le septentrion, ils trouvent sur leur chemin un immense tombeau de pierre avec cette inscription : « Celui qui est destine à dormir dans ce tombeau y restera couché. » Ilia s'étend dans le sépulcre, mais il le trouve trop large et trop long pour sa personne. Sviatogor s'y étend à son tour, et le trouve parfaitement à sa taille. «II est fait exprès pour moi, dit-il à son compagnon; prends le couvercle et couvre-m'en. - Je ne prendrai point le couvercle, mon grand frère, et ne t'en couvrirai point ; c'est une terrible plaisanterie que la tienne. Veux-tu donc t'ensevelir vivant ?» Alors Sviatogor prend lui-même le couvercle et le ramène sur lui; mais quand il veut le soulever, tous ses efforts sont inutiles. «Ah! Mon jeune frère, s'écrie-t-il, c'est ma destinée qui me cherche ; essaie à ton tour de soulever le couvercle.» Ilia essaya et ne put. «Ilia, prends mon glaive trempé dans l'eau de puits et frappe le couvercle par le travers ; mais le Mouromets n'était pas de force à soulever le glaive de Sviatogor. «Penche-toi sur le tombeau, reprend le géant ; par cette fente je te soufflerai mon souffle.» Ilia obéit, et tout à coup se sent trois fois plus de force qu'à l'ordinaire.
    Il soulève le glaive et en frappe le tombeau par le travers. Sous la violence du coup, des étincelles jaillirent ; mais où l'acier avait frappé apparut dans la pierre une bande de fer. 'Il frappa le tombeau dans sa longueur, et une bande de fer se montra dans la longueur du couvercle. «Je vais expirer, dit alors le Titan ; penche-toi vers la fente, je soufflerai encore vers toi, et je te communiquerai toute ma force. - J'ai bien assez de force, répond le héros; si j'en avais davantage, la terre pourrait à peine me porter. - Tu as bien fait, mon jeune frère, de ne pas obéir à mon dernier ordre. C'est le souffle de mort que je t'aurais soufflé; tu serais tombé sans vie à côté de moi. Maintenant adieu; je te donne mon glaive trempé dans l'eau do puits; pour mon cheval, attache-le à mon tombeau. Nul autre que moi ne doit le posséder.»





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ui nous parlera, du vieux temps,
Du vieux temps, du temps passé,
D’Ilia Mouromets,
Ilia Mouromets, fils d'Ivan,
Resta cul-de-jatte trente-trois ans;
Vinrent le trouver des frères mendiants,
Jésus-Christ lui-même, deux apôtres:
«Dis donc, Ilia, apporte-nous à boire !
- Frères mendiants, je suis sans bras, sans jambes.
Lève-toi, Ilia, ne te moque pas de nous ! »
Ilia se mit debout, comme si de rien n'était;
Il alla, apporta une tasse d'un védro et demi,
La présenta aux frères mendiants;
Les mendiants la lui rendent;
Les frères mendiants interrogent Ilia :
«Te sens-tu, Ilia, beaucoup de force?
S'il y avait une colonne de la terre jusqu'au ciel,
Si à la colonne il y avait un anneau d'or,
Je tirerais sur l'anneau et renverserais la Sainte- Russie !
Dis donc, Ilia, apporte une deuxième tasse !»
Ilia la leur présenta ; ils la lui rendent.
Ilia but sans reprendre haleine
Une grande tasse d'un védro et demi.
Ils demandent à Ilia :
«Te sens-tu, Ilia, beaucoup de force?
- J'ai la moitié de ma force»
Les mendiants voyageurs disent :
«Tu seras, Ilia, un grand bogatyr
Et ta mort au combat n'est pas inscrite:
Bats-toi, combats avec tous les bogatyrs
Et avec toutes les hardies cavalières.
Seulement ne va pas te mesurer
Avec Sviatogor le bogatyr :
La terre le porte sur soi avec peine;
Ne va pas lutter avec Samson le bogatyr :
Il a sur la tête les sept cheveux de l'ange;
Ne te bats pas aussi avec la race de Mikoula:
La terre humide notre mère l'aime ;
N'affronte pas non plus Volga Vseslavitch :
Il ne te prendra pas par la force,
Mais par la ruse, la finesse.
Procure-toi, Ilia, un cheval de bogatyr,
Sors dans l'étendue de la rase campagne :
Achète le premier étalon venu,
Mets-le dans un hangar pendant trois mois,
Pendant trois nuits conduis ton étalon au jardin,
Et dans trois rosées roule l'étalon,
conduis-le vers la haute clôture :
Quand l'étalon sautera par-dessus la clôture
Et d'un côté et de l'autre côté,
Va-t’en avec lui où tu veux : il te portera»
Alors les mendiants disparurent.
Ilia s'en alla trouver son père
À son travail de paysan :
Il faut nettoyer la forêt incendiée des souches de chêne ;
Il enlève à la hache toutes les souches de chêne,
Les met en tas dans la rivière profonde,
Puis s'en retourne chez lui..








viatogor s'est équipé pour aller en rase campagne,
Il selle son bon cheval et chevauche en rase campagne.
Personne pour la force ne peut égaler Sviatogor,
Et la force dans ses tendons joue comme un enfant pétulant :
Il est chargé de sa force comme d'un lourd fardeau.
Et voilà Sviatogor qui dit :
« Si je trouvais un treuil, je soulèverais toute la terre ! »
Sviatogor trouve par hasard dans la steppe
Une petite besace à deux poches ;
Il prend son fouet, touche la besace, elle ne bouge pas,
Il la pousse du doigt, elle ne remue pas.
Du haut de son cheval il la prend en main, elle ne se soulève pas ;
«Nombre d'années j'ai chevauché dans le monde
Et n'ai jamais rencontré pareil prodige,
Jamais je n'ai vu pareille merveille :
Une petite besace à deux poches ne bouge pas,
Ne remue pas, ne se soulève pas.»
Sviatogor descend de son bon cheval,
Saisit la besace des deux mains,
Soulève la besace plus haute que le genou :
Et jusqu'au genou Sviatogor s'embourbe en terre,
Et sur son blanc visage, il coule non des larmes, mais [du sang.
Là où Sviatogor s'embourba, il ne put se relever. Là fut sa fin...