.. Quarante-huit
heures avant le mariage, il va chez les Tziganes.
«-Chante-moi quelque chose pour me porter bonheur, dit-il
à la Tzigane Tania, tu sais, je me marie.»
Tania prend sa guitare et entonne un chant
si triste que, tout à coup, Pouchkine éclate en
sanglots et se cache la tête dans les mains. Ses amis l'entourent
: «Qu'as-tu, Pouchkine?»
«-Ah ! dit-il, cette chanson m'a retourné : elle
ne me présage pas de joie, mais un grand malheur.»
La veille du mariage, Pouchkine invite
ses amis à enterrer, avec lui, sa vie de garçon.
Une dizaine de convives s'assemblent autour de la table. Tous
sont prêts à plaisanter à boire, comme il
convient en pareil cas. Mais leur hôte est si lugubre qu'ils
osent à peine ouvrir la bouche leur récite alors
quelques vers d'adieu à la jeunesse.II lit ses dernière
volontés. Il prononce sa dernière parole. Demain,
il n'existera plus. Les auditeurs, gênés, se regardent
entre eux, hochent la tête. Pouchkine, le front lourde,
la gorge serrée, les quitte enfin pour rendre une ultime
visite à Nathalie.
Le lendemain, 18 février 1831,
à Moscou, dan église de l'Ascension, située
porte Nikitskaïa, a mariage d'Alexandre Serguéïevitch
Pouchkine et Natalia Nicolaévna Gontcharova. Les invitations
étaient sévèrement contrôlées
à l'église. Des d'admiration accueillirent l'arrivée
de Nathalie caverne d'or, de lumières tremblantes et d'encens
chantait à pleine voix. La fiancée s'avançait,
glisse tapis, si vaporeuse, si blanche, si belle, que Pouchkine
était véritablement ému. Au-dessus de leurs
têtes, les garçons d'honneur soutenaient les couronnes
rituelles. Le prêtre, barbu et grave, disait les paroles
qui unissent pour la vie. Les invités discutaient entre
eux à voix basse, supputant le prix des toilettes et les
conséquences de ces extravagantes épousailles. Tout
à coup pendant l'échange des bagues, l'un des anneaux
roula par terre. En se baissant pour le ramasser, Pouchkine accrocha
le lutrin et, aux dires d'un témoin, la croix et l'Évangile
glissent sur le sol avec un bruit sourd. Le cierge de Pouchkine
s'était éteint. Le poète se redressa, très
pâle, et murmura simplement : «Tous les mauvais augures.» |