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L'art populaire de la Russie

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Le petit cheval bossu

Deuxieme partie




N.Borounov "Le petit cheval bossu"

N.Borounov "Le petit cheval bossu"
Baguier. 1971.  Palekh
 

Je vous ai, j'crois, fait entendre
La façon dont Ivan sut prendre
Un emploi dans le palais.
Il y vit donc désormais
Sans jamais s'en faire une miette,
En ayant tout c'qu'il souhaite,
Et ne pense, dans son bonheur,
Plus aux siens, ni au labeur
Qu'il connut en son enfance.
C'est ainsi que, dans la chance
Volontiers nous oublions
Nos parents et la maison
Qui, jadis, nous a vus naître,
Pour «briller» et pour «paraître»!
Or, un jour, le chambellan,
Ennemi juré de Ivan
- Mais d'abord il faut vous dire
Qu'il avait été, ce sire,
En son temps, avant Jeannot,
Ecuyer en chef : les chevaux,
Les cochers, les équipages,
Composaient son apanage,
Jusqu'au jour où notre Ivan
Lui chipa sa place brusquement.
Grande était donc sa rancune ;
Mais il n'en montrait aucune
Et faisait le sourd-muet ;
Car, sournois, il attendait,
Pour descendre dans la lice,
Que les temps soient plus propices.



 

Y.Vasnetsov "Le petit cheval bossu"
Y.Vasnetsov "Le petit cheval bossu"
Plat decorative. 1983.  Leningrad
 

En été les nuits sont brèves.
Le chevale à l'aube se lève
Et bouscule Ivan, qui dort
Insensible comme un mort.
«Ouste! lui crie le bon petit diable :
Le matin est admirable
Et promet un beau soleil.
Oublie donc que t'as sommeil!»...
Et d'son lit il le déloge.
Jean se lève, prend les deux auges,
Le bon vin et le froment,
Et chevauche vers l'Orient,
Pour chercher l'oiseau magique.
Ils cheminent ainsi, épiques,
Toute une semaine sans s'arrêter.
Finalement, exténués,
Dans un bois ils viennent faire halte.
A sa vue,Ivan s'exalte :
Pleine d'arôme et de fraîcheur,
La verdure aux vives couleurs,
Luxuriante, autour s'étale ;
L'herbe est douce, et les pétales
Des belles fleurs semées partout
Resplendissent comme des bijoux !
Jean voudrait qu'on s'y repose ;
Mais le petit poulain s'oppose
À ce qu'on y reste longtemps
Et lui dit : «Plus en avant,
Nous trouverons une belle clairière
Traversée par une rivière
Qui découle d'un mont d'argent ;
Et c'est là, précisément,
Qu'à minuit, tu peux m'en croire,
Les oiseaux de feu viennent boire.
Allons-y sans plus tarder,
Car le temps peut nous manquer..»

 


V.Kouznetsov "Ivan et le petit cheval bossu"

V.Kouznetsov "Ivan et le petit cheval bossu"
Sculpture de porcelaine. 1927.  Leningrad;
 



«Aux confins de l'univers,
il y a, dit-on, une mer
que jamais une nef chrétienne
n'effleura de sa carène.
Ne visitent cet océan
que ces chiens de mécréants.
Paraît-il, ils en rapportent
des merveilles de toutes les sortes :
des énormes crustacés,
des serpents de mer ailés,
des poissons à quatre pattes
dont l'écaillé est en agate
ou en nacre, et caetera...
Mais de tout ce qu'il y'a là,
le plus chic, c'est une princesse,
jeune et belle comme une déesse,
qui, traînée par deux cygnes blancs,
se promène sur l'océan.
Cette princesse, nommée Solaire,
a la Lune pour mère ; pour père,
le Soleil..»


 

V.Belov "Le petit cheval bossu"
V.Belov "Le petit cheval bossu"
Baguier. 1969.  Kholouï


        
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Littérature russe /

Piotr Yerchov



  Le petit cheval bossu
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Le petit cheval bossu

Donc, un jour, le chambellan,
Ennemi juré d'Ivan,
S'avisa d'une drôle de chose:
Jean se saoule ou se repose,
Sans jamais se déranger
Pour soigner ses deux coursiers,
Qui, malgré cela, vous brillent
Comme tout frais de sous l'étrille,
Le pelage resplendissant,
Les sabots vernis, luisants,
Les crinières tressées en nattes!
Et encore ce qui épate
Non moins fort le vieux malin,
C'est de voir remplis de foin,
Ou de belle avoine, ou d'orge,
Les mangeoires, qui en regorgent
Sans que Ivan y touche jamais !
«Serait-ce donc un farfadet
Qui viendrait faire sa besogne?
Et ce Jean, ce sale ivrogne,
Serait-il un grand sorcier?»
Se demande l'ex-écuyer;
« Ah, faudra que je l'observe
De plus près et le desserve
En sous-cape auprès du roi!
Et d'ailleurs, si ces faits-là
Ne recèlent rien de magique,
J'ai l'esprit assez pratique
Pour savoir, s'il faut, mentir
Et le faire tout d'même punir !
Le soir même, sans plus attendre,
Il s'empresse donc de descendre
À l'étable des coursiers
Et s'y cache, sous du fumier.
Les heures passent, minuit arrive.
Notre vieux, sur le qui-vive,
Tend l'oreille anxieusement
Et se signe à chaque instant;
Car, caché dans son étable,
Il a peur, le pauvre diable:
S'il venait, le «farfadet»?!...
Chut! Des pas!... Et, en effet,
Il le voit soudain paraître
Par la porte et, sur la fenêtre
Déposer son beau chapeau,
D'où il tire une plume... mais, oh!
Une plume bien merveilleuse ;
Comme un astre, lumineuse,
Et qui fait que, tout autour,
On y voit comme en plein jour!


Le petit cheval bossu

   ...Mais le roi, en vive colère,
N'admet plus de ces manières
Et s'écrie: «Canaille, tais-toi!
Ou, plutôt, dis-moi pourquoi
Tu avais caché, ô traître,
À ton roi, ton père, ton maître,
Un objet aussi précieux
Que ta plume d'Oiseau de Feu?
Je te somme de tout me dire;
Car - tu sais - je n'aime pas rire!»
Mais Ivan fait le nigaud
Et demande: « De quel oiseau
Parles-tu ? Je ne vois guère
- En voilà-t-y une affaire!
Ou serais-tu, par hasard,
Un devin, mon vieux, pour voir
À travers les choses opaques ?...
Qu'on me fouette tant que j'en claque,
Si j'ai vu ta plume. Voilà!...
«Quel menteur! s'écrie le roi,
Qui de rage rentrée écume;
Et, sortant vivement la plume
Du coffret où elle était,
Sous le nez il la lui met :
«Tiens! Et ça ? dit-il : Regarde!
Qu'est c'que c'est qu'cette plume?» et darde
Sur Ivan de tels regards,
Que, troublé, le pauvre gars
S'applatit la face par terre
En criant: «Pardon, mon père!
Je t'avoue que j'ai menti »... –
«Je m'en doute, mon cher ami,
Lui retorque le roi, et certes
Cette pénible découverte
Te coûtera très cher!»... «Oh, non!
Hurle Ivan, pris de frissons :
Aie pitié de mon angoisse!
Humblement j'implore ta grâce
Et j'te jure de n'jamais plus
Te mentir...».
 


Le petit cheval bossu


   Le vieux roi lui dit: «Ecoute,
Il faudra que, coûte que coûte,
Tu m'captures cette jeune beauté
Que, ce soir, tu t'es vanté
De pouvoir me faire connaître!»
«Moi? dit Ivan: Quelle blague!
Peut-être c'est pour rire qu'on te l'a dit?»
Mais le roi, furieux, rugit :
«Ose donc dire que tu ignores
La Princesse Solaire !»-« J'implore
Ton pardon, répond Jeannot,
Mais je ne»... - «Plus un seul mot!»
Interrompt le roi, en rage :
«Prépare-toi à ce voyage
Et, sans faute, avant quinze jours,
Avec elle, sois de retour.
Autrement, gare qu'on n't'empale!»
A ces mots, Jeannot, tout pâle
Et tremblant d'indignation,
Court trouver son compagnon.
«Tu as l'air vraiment bien triste !
Qu'est-ce qui, mon cher, t'attriste? »
Lui demande le petit poulain,
Qui accourt vers lui de loin :
«Serais-tu, des fois, malade? »
- « Non, mon vieux, c'est l'estrapade
Que je crains plutôt cette fois,
Lui dit Jean : car le voilà,
Qui désire, ce singe immonde,
Que j'cavale au bout du monde
Pour chercher immédiatement
Une jeune fille que, soi-disant,
Je connais et qui s'appelle
La princesse Solaire! Mais d'elle,
Je t'ie jure, je ne sais rien!»
«Calme-toi, dit le poulain;
Certes, la chose n'est pas facile,
Mais suis-j' donc un imbécile
Pour ne pas te secourir ?!
Chez le roi tu vas courir
Et te faire donner, de suite:
Une centaine de prunes confites
Dans un vase de pur cristal;
Puis, une tente en drap spécial,
D'or brodé, en fines paillettes;
Et, enfin, deux grandes serviettes...