Version anglais
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"Quant à Marie Raïevsky, petite brunette
vive, espiègle et gracieuse, Pouchkine lui voua un amour
dont certains auteurs prétendirent qu'il fut la passion secrète
de toute son existence. Marie Raïesvky, qui devait épouser
en 1825 le prince
Volkonsky, décembriste notoire, niait catégoriquement
que Pouchkine eût éprouvé pour elle autre chose
que de l'amitié.
«En tant que poète, déclarait-elle, Pouchkine
se croyait obligé d'être amoureux de toutes les jolies
femmes et de toutes les jeunes filles qu'il rencontrait. En réalité,
il n'était amoureux que de sa muse et transposait tout
ce qu'il voyait sur le plan poétique ! »
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N.Koulandine. "Portraits de Madame Volkonsky"
1983 L'émail de Rostov
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DEDICACE
A toi; mais la muse secrète
Fera-t-elle entendre sa voix ?
Comprendras-tu, âme discrète,
Les sentiments que je conçois?
Du poète la dédicace
Sera-t-elle comprise un jour,
Ou bien faudra-t-il qu'elle passe
Méconnue comme son amour?
Au moins, reconnais sur ma lyre
Les accords qui te plaisaient tant.
Sache que lorsque tout conspire
A rendre mon sort attristant,
Tes derniers mots et leur dictame,
Ton triste désert, son trésor,
Sont l'unique amour de mon âme,
Sa joie et son seul réconfort
A.Pouchkine. "Poltava". 1828
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Et Pouchkine
écrivait lui-même :«Plus ou moins, j'ai été
amoureux de toutes les jolies femmes que j'ai rencontrées.
Toutes se sont moquées de moi. Toutes, à l'exception
d'une seule, ont fait avec moi les coquettes.»
A l'exception d'une seule. Pensait-il
à Marie en écrivant ces mots? Peut-être. En
fait, et sans parler d'amour exclusif, il est à peu près
certain que Pouchkine fut attiré par cette enfant qui se
dépliait et devenait femme sous ses yeux. Mais, mieux il
aimait, et plus il était timide. S'il posait au Don Juan
en présence des créatures faciles, il perdait tout
contrôle devant un être qu'il respectait sincèrement.
Il n'avoua rien à Marie. Ou, s'il fit allusion à
ses sentiments, elle ne le comprit pas. Trop jeune peut-être.
Entre sa gouvernante anglaise et sa nounou, elle ne songeait encore
qu'à gravir les sentiers escarpés 'et à tremper
ses pieds dans les vagues.
Mais plus tard? Aucune lettre, aucun document
autographe ne nous révèlent le destin de cette passion
mal partagée. Les œuvres seules de Pouchkine nous
renseignent sur la puissance et la durée de son amour.
De cette époque, en effet, datent les premiers poèmes
de Pouchkine célébrant une femme inconnue, adorable
et irremplaçable, dont il est incompris et qu'il souhaite
oublier. Il a immortalisé les espiègleries enfantines
de Marie dans son Eugène Onéguine, il a donné
son nom à l'héroïne de la Fontaine de Bakhtchisaraï
et ses traits à l'héroïne du Prisonnier du
Caucase. Il lui a dédié, selon toute vraisemblance,
son poème de "Poltava". Il a chanté ses
yeux:
"Plus claire que le jour
Plus noire que la nuit..."
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Henry Troyat. "Alexandre Pouchkine" |
© 2004 Artrusse
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«1. Une femme qui suit son mari exilé
en Sibérie et y continue à vivre maritalement
avec lui doit partager son sort. Elle doit renoncer à
tous les droits que lui donnait sa position antérieure
et, de ce fait, être traitée comme la femme d'un
criminel d'État. Les autorités ne pourront la
protéger contre les insultes ou les voies de fait de
la part de criminels dépravés, assurés
de leur impunité au cas où ils offenseraient ou
même molesteraient la femme d'un de leurs codétenus.
2. Tout enfant né en Sibérie de l'union d'une
telle femme et de son mari criminel sera inscrit sur les registres
comme serf paysan et deviendra la propriété de
l'État.
3. II est interdit à cette femme de détenir bijoux
ou argent.
4. Elle perd le droit de se faire servir par des domestiques
ou des serfs.
5. Elle ne pourra jamais retourner en Russie d'Europe, même
après la mort de son mari.»
Voit ci cet engagement que signa en janvier 1827
Sa Sérénissime Grandeur, la princesse Maria Volkonsky,
femme d'un pair, mère d'un prince, fille du général
Raïevsky, héros des guerres contre Napoléon.
Pour avoir le droit de rejoindre son mari, convaincu d'avoir
participé au complot des Décembristes et condamné
aux travaux forcés en Sibérie, Maria, à
vingt et un ans, cessait officiellement d'exister. Mais cette
décision prise dans un élan romantique allait
la révéler. Pendant près de trente ans,
elle fut l'âme du petit groupe des déportés
et des onze femmes qui les avaient rejoints. Elle se battit
contre le désespoir, contre la maladie, contre la bureaucratie,
contre l'arbitraire. Elle fonda des écoles, s'occupa
de coopératives agricoles, fit bâtir le premier
théâtre à l'est de l'Oural. Quand l'amnistie
lui permit enfin de revenir en Europe, les Sibériens
pleurèrent celle qu'ils appelaient «Notre Princesse».
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