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L'histoire russe


    «Je vous jure sur mon honneur que pour rien au monde je n'aurais voulu changer de patrie, ni avoir d'autre histoire que celle de nos ancêtres, telle que Dieu nous l'a donnée.»


Lettre de A. Pouchkine chez A.Tchaadaev. 1831



  " .. Je ne sache pas de peuple qui ait été plus que le peuple russe bouleversé dans ses destinées. Il nous apparaît comme un de ces fleuves qui ont plusieurs fois changé de lit, sous l'action de brusques cataclysmes.. Les nations d'Occident se sont développées dans des conditions bien autrement favorables; après l'établissement barbare et le recul de l'Islam, elles ont eu une douzaine de siècles pour travailler sur elles-mêmes dans une paix relative; les révolutions et les guerres ne les ont jamais jetées complètement hors de la voie où elles s'étaient engagées dès le début. En Russie, au contraire, l'histoire semble s'être réservé un champ d'expériences radicales; elle y procède par grandes foulées; elle arrête et renverse tous les deux ou trois cents ans ce pauvre peuple, au moment où il s'essaye à marcher dans une direction quelconque. On a le vertige à regarder les balancements désordonnés de ce grand corps sous le choc des idées et des faits.
    L'anarchie barbare et païenne, les luttes de tribu à tribu se poursuivent là-bas deux ou trois siècles après qu'elles ont cessé chez nous. Enfin, le christianisme arrive, mais de Byzance, de sa source la moins pure; un christianisme vicié, énervé par l'esprit caduc du Bas-Empire oriental. Ces Slaves, ces Lithuaniens, ces Finnois doivent se faire Grecs par la religion, les lois, le gouvernement; ces âmes commencent une histoire: pourront-elles vivre sur le testament d'âmes séniles est épuisées, qui en finissaient une autre? C'est le germe de vie pourtant, le premier gage de la fusion avec les peuples d'Europe, élus à ce moment pour conduire l'humanité. Le germe aura-t-il le temps de mûrir? Deux cents ans après les baptêmes de Kiev, la Russie est submergée par l'invasion mongole; c'est le reflux de l'Asie qui reprend sa proie et retire à elle la jeune terre chrétienne, gravitant déjà vers l'Europe. Arrivés païens, les Tatares passent à l'Islam, restent Asiatiques, et façonnent aux mœurs orientales leurs sujets russes. On n'a jamais été impunément raïa - les raïas de la Horde d'Or garderont longtemps au cœur et au cerveau les stigmates du joug tartare.
    Au quinzième siècle, alors que luit déjà pour nous l'aube de la Renaissance, les Russes commencent seulement à secouer ce joug. Une suite d'efforts généreux les délivre; l'Asie recule, lentement; le croissant ne disparaît du Volga qu'après 1550; mais son esprit est resté, l'empreinte orientale ne s'effacera pas de sitôt. Rendu à lui-même, le peuple russe est broyé sous un despotisme de fer, mélange de pratiques mongoles et d'étiquettes byzantines. A peine émancipé de l'oppression étrangère, ce peuple est attaché à la glèbe; Boris Godounov le condamne au servage, et voilà toutes ses conditions sociales changées d'un trait de plume en un jour, ce jour néfaste de la Saint-Georges que le peuple russe maudira pendant près de trois cents ans.
    Au siècle suivant nouvelle invasion, venue de l'Occident cette fois. Les Polonais détiennent la moitié de là Russie et commandent à Moscou. On les chasse à leur tour; enfin, la nation pourra respirer et regarder devant elle de quel côté? Vers l'Europe ou vers l'Asie? Ses traditions la feraient naturellement dévier vers cette dernière; on va les forcer encore une fois. Un rude pilote surgit, qui donne son coup de barre brutal à ce grand radeau, flottant à l'aventure, et le jette à l'Europe d'un seul effort de sa volonté
    A ce moment, avec Pierre le Grand, commence la plus curieuse peut-être, la plus anormale à coup sûr des expériences tentées par l'histoire sur la Russie. Figurez-vous, pour continuer la comparaison, un bâtiment où le capitaine et les officiers gouverneraient à l'ouest, tandis que le reste de l'équipage présenterait les voiles au vent qui porte à l'est. Tel fut le singulier état de choses qui dura cent cinquante ans, depuis l'avènement de Pierre jusqu'à la mort de l'empereur Nicolas, et dont les mœurs témoignent encore. Ce furent d'abord le souverain et quelques hommes appelés par lui qui abjurèrent la vie orientale, se firent Européens par les idées, la politique, la langue, le costume. Peu à peu, la haute classe suivit l'exemple et l'impulsion, durant la fin du XVIII siècle; dans la première moitié du XIX , par la force des choses, l'influence européenne descendit plus bas, dans les sphères administratives, les écoles, la noblesse de province; quelques parcelles se détachèrent de la masse, entraînées par le mouvement ascensionnel; mais les couches profondes de la nation demeurèrent rebelles, immobiles, orientées vers le soleil levant, comme les chevets de leurs églises... Les larges vallées restaient plongées dans l'ombre du passé, elles en sortent à peine.
    Durant toute cette période, on vit ce spectacle unique: une petite classe dirigeante, étrangère par les mœurs, les idées, par la langue souvent, au peuple immense qui vivait sous elle; cette classe recevant tous ses aliments intellectuels, moraux et politiques par importation, si l'on peut dire, tour à tour d'Allemagne, d Angleterre, de France, mais toujours du dehors; le gouvernement de la terre orthodoxe confié fréquemment à des étrangers, à des «païens», comme dit le paysan russe.. Ce fut depuis Catherine une série de générations aimables, vivant de la vie élégante du Paris de Louis XV, de l'Empire et de la Restauration, subissant nos souffles révolutionnaires, ouvertes à nos aspirations, façonnées par nos livres, grandes théoriciennes d'administration et d'économie politique, mais ces administrateurs ne se demandaient même pas comment pense, existe et peine un moujik d'Iaroslavl ou de Samara. A l'ombre de ces plantes exotiques, le peuple abandonné à lui-même végétait, se développait suivant les lois obscures de sa nature orientale...
    Comment abolir le passé et par où se reprendre les uns aux autres? On croit voir un de ces mondes qui cheminent là-haut, sollicités par des attractions contraires; il se brise, an fragment court à l'étoile lointaine qui l'appelle, tandis que le gros de la planète continue à graviter vers les sphères plus voisines ; malgré tout, ces deux morceaux de monde tendent à se réunir; comment y parviendront-ils à travers le vide des espaces et à rencontre des forces acquises? Ainsi la Russie, faite de tant d'éléments dissemblables, attirée tour à tour par des pôles opposés, jetée à maintes reprises de l'Europe à l'Asie, de l'Asie à l'Europe, et en dernier lieu divisée contre elle-même.
    Il faut ajouter aux malchances de l'histoire celles de la terre et du climat... De rigoureux, d'interminables hivers accablent l'homme, interrompent son travail, attristent sa pensée. Dans la partie septentrionale, une végétation indigente ne peut donner le vigoureux exemple de la nature, conviant la créature humaine à lutter avec elle d'énergie et d'expansion. N'est-il pas vrai qu'à la longue l'esprit se modèle sur le relief des lieux où il vit? S'il en est ainsi, comme je le crois, les contrées aux horizons tranchés, aux formes accusées, fortement différenciées, doivent aider au développement de l'individualité, à la netteté des conceptions, à la persévérance des efforts. Rien de pareil sur la terre russe, du moins dans la région centrale où la race dominante s'est formée; un reste humide du chaos, où le Créateur oublia de faire l'opération première, la séparation des eaux ; pas de pierres, pas de muscles dans ce corps flasque; l'alternative monotone, une plaine qui court durant des milliers de verstes, semblable à elle-même, sans horizons distincts, sans contours arrêtés, avec des mirages de neige, de marais ou de sable. Nulle part la montagne qui dit à l'homme : «Arrête-toi ici ou lutte pour me gravir.» Partout l'infini qui trouble et attire sans but. Tolstoï l'a bien dépeint, «ce lointain sans bornes qui appelle à lui»...
    Pays d'âmes vagues comme les âmes des gens de mer, concentrées, longuement résignées, avec des violences soudaines de désir; terre faite pour les tentes plus que pour les maisons, où les idées sont nomades ainsi que les hommes. Comme les vents qui portent le froid sans obstacles de la mer Blanche à la mer Noire, les invasions, les misères, les tristesses, les servitudes roulent rapides et invincibles sur ces étendues vides. On y va devant soi, au hasard. C'est le sol propice pour nourrir les aspirations confuses au néant que le cœur russe tient de ses origines ; ce n'est pas celui qui convient aux robustes productions de l'esprit, à la croissance des lettres et des arts. Néanmoins, sous le ciel trop rude et parmi tant de traverses, nous allons voir lever la semence obstinée; elle est si nécessaire à l'homme qu'il semble avoir apporté, on ne sait d'où, un printemps éternel pour la sauvegarder dans tous les climats.."

E.- M. de Vogüé. "Le roman russe" 1886




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L.Zouikov. "Andrei Bogolioubski"

L.Zouikov. "Andrei Bogolioubski, prince-combattant, prince - constructeur"
Baguier.   Mstéra 1960





De nouveau comme aux années d'or
Ballottent trois longes usées.
L'essieu bigarré plonge encore
Dans les ornières défoncées.

Toi ma Russie, ô mendiante,
Tes chaumes gris me sont toujours,
Me sont tes chansons où il vente
Le premier souffle de l'amour.

Je ne puis te prendre en pitié,
Je porte ma croix en offrande...
Oh va ! N'importe à quel sorcier
Jette ta beauté de brigande.

Et qu'il t'enjôle et qu'il t'égare,
Toi tu ne périras jamais !
Seul un souci, comme un brouillard,
Viendrait embuer tes beaux traits.

Un souci de plus, eh bien quoi ?
D'un sanglot le fleuve a grossi,
Toi tu restes : les champs, les bois,
Le fichu clair jusqu'aux sourcils...

Et l'impossible est hors de doute,
Le long chemin devient léger,
Quand luit dans le lointain des routes
L'œil sous le châle ramagé
Et que plaintivement s'égoutte
La chanson sourde du cocher.

1908

A.Blok   





N.Loukina. "Le Dit de l'ost d'Igor"

N.Loukina. "Le Dit de l'ost d'Igor"
Baguier.  Palekh 1997









B.Sedov. "Alexandre Nevski"

B.Sedov. "Alexandre Nevski"
Baguier.   Kholouï 1983











V.Fokéev. "Décambristes"

V.Fokéev. "Décambristes"
Baguier.  Mstéra 1990