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L'art populaire de la Russie

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    «Il vaut mieux se borner à considérer les bylines comme de simples documents humains. Elles renseignent d'abord admirativement sur la psychologie d'un peuple qui, à tant d époques et maintenant encore davantage, a surpris et inquiété l'homme de civilisation occidentale. Elles intéressent enfin comme œuvre d'art d'un caractère particulier, par leur spontanéité et leur naïveté, au moins autant que des œuvres plus raffinées, et comme témoignages clés ressources intellectuelles et artistiques, on peut dire admirables, du peuple russe...»

  Louis Jousserandot


V.Fokeev. "Sadko"

V.Fokeev. "Sadko"
Bageiur. 1997 Mstéra



    Sadko est un riche marchand de Novgorod. ll ne se mêle pas aux luttes civiles; il n'a jamais exercé le brigandage ; mais ses voyages sont aussi hasardeux que des combats. Il a parcouru toutes les routes que parcourait alors le commerce novgorodien.

«Sadko a suivi la Volkhov,
De la Volkhov il arrivait au lac Ladoga,
Du lac Ladoga dans la Neva:
Par la Neva dans la mer bleue»

    Ces quatre vers sont d'une extrême précision. Qu'on jette les yeux sur une carte, on verra que, le lac Ilmen n'ayant pas de débouché direct dans la Baltique, c'était seulement par la Volkhov, le Ladoga et la Neva que les navires novgorodiens pouvaient entrer en relations avec les pays scandinaves et allemands, avec les villes de la Hanse et les ports de l'Occident. «Puis il revenait et allait à la Horde d'or vendre les marchandises novgorodienes.» Comme ses compatriotes, il s'est avancé fort loin de ce côté: il s'est, dit-il ailleurs, « promené sur le Volga pendant douze ans ; il le connaît depuis sa source jusqu'à son embouchure, jusqu'au royaume d'Astrakhan » - «pendant douze ans il a couru la mer, la mer bleue, la mer Caspienne.» Le Volga, le plus grand des cours d'eau de l'Europe, est une magnifique voie fluviale, la seule qui puisse mettre en rapport avec la Caspienne ce réseau de lacs et de petits fleuves au centre duquel est située Novgorod. Si Sadko avait fait mention de ses voyages à la mer Noire et à Constantinople par la voie du Dniepr, ce cours de géographie commerciale serait complet.
    La carrière d'un négociant a quelque chose de glorieux lors qu'étant parti de peu il arrive par son intelligence et son travail à une immense fortune. Cet effort pour parvenir a quelquefois son côté épique et romanesque. Or, la plupart des bylines nous représentent Sadko, le riche marchand, comme pauvre à ses débuts. Il n'a pour tout bien que ses gousslis; il gagne sa vie à jouer dans les festins. Or, un jour, on ne l'invite pas, ni le lendemain, ni le surlendemain. Il s'en va tristement sur le rivage du lac Ilmen et se met à jouer de les gousslis. Le premier jour, les eaux du lac commencent à s'agiter; Sadko prend peur et s'enfuit à Novgorod. Il y retrouve la misère et revient une seconde fois jouer sur le lac : une seconde fois les eaux s'agitent, et Sadko s'en retourne effrayé. Poussé encore par la misère chaque jour plus pressant, il vient s'asseoir sur les rochers blancs et recommence à jouer : les eaux s'agitent et à leur surface apparaît le Roi de la mer.
    Dans l'imagination des Slaves, la personnalité de ce dieu à peine à se dégager de l'élément fluide et impersonnel. Le Roi de la mer reste une force primitive de la nature, flottant comme l'onde, violent et aveugle comme elle. Mais de tout temps n'a-t-on pas attribué à la musique une vertu magique capable d'enchanter les ondes, les forêts, les animaux féroces et les pierres brutes
    Le Roi de la mer adresse la parole au pauvre musicien : «Écoute, Sadko de Novgorod; je ne sais quelle récompense te donner pour le grand plaisir que tu m'as fait, pour ton jeu harmonieux. Veux-tu un trésor à île pouvoir le compter? Retourne à Novgorod, frappe le grand pari; mets ta tête pour enjeu, contre tout ce que possèdent les marchands de riches denrées dans leurs magasins, affirme que dans le lac Ilmen, il y a des poissons aux nageoires d'or. Quand tu auras frappé le grand pari, tisse un filet de soie; viens pêcher dans le lac Ilmen, je te donnerai trois poissons aux nageoires d'or ; alors, Sadko, tu seras riche.»
   Ici, - tant les mythes des diverses races de l'Orient et de l'Occident sont souvent enchevêtrés les uns dans les autres, - nous retrouvons un conte des Mille et une Nuits. Un génie, sorti également du fond d'un lac, accorde à un pêcheur trois coups de filet; à chaque coup de filet, il tirera des eaux quelque merveilleux poisson. Les nageoires d'or des poissons de l'Ilmen rappellent les plumes de l'Oiseau de feu, ou celles dont sont garnies les flèches étincelantes de Diouk Stépanovitch. Mais malgré la variété d'origine ou de provenance de ces fictions, remarquons comment la poésie russe a su les grouper de façon à faire valoir le type du marchand novgorodien. Le Roi de la Mer ne donne pas à Sadko un trésor, de la main a à la main; il le met sur la trace d'une magnifique affaire commerciale ; surtout il lui fournit l'occasion de faire ce que le hardi novgorodien aime par-dessus tout, « de frapper le grand pari,» avec sa tête pour enjeu.
Le pari proposé au peuple est accepté avec autant d'empressement que l'a été celui de Vassili Bouslaévitch. Sadko, suivi de ses concitoyens, court au bord du lac. On jette trois fois le filet de soie; trois fois on ramène un poisson aux nageoires d'or. Sadko a gagné son pari : on lui livre toutes les marchandises du bazar. Il est devenu le plus riche marchand de Novgorod



 V.Belov "Sadko"

V.Belov "Sadko"
Baguier. 1967  Kholouï


    Il bâtit un palais de pierre blanche: «tout y est arrangé à l'image du ciel ; le soleil comme au ciel, la lune comme au ciel ; les étoiles comme au ciel.» Cette description sidérale nous avertit que nous n'avons pas affaire à un mortel ordinaire : nous restons dans la donnée épique et mythique. Sadko, enrichi, n'est pas homme à se reposer. Sans cesse, il fait de nouvelles affaires, c'est-à-dire de nouvelles gageures. Encore une fois il a engagé sa tête et frappé le grand pari: il a parié d'acheter toutes les marchandises de Novgorod et de les charger sur ses vaisseaux. Il gagne le pari : dans toute la ville, il ne reste rien à vendre, ni marchandises précieuses, ni denrées viles. Pour compléter son triomphe, il se rend à la halle aux poteries, et y achète tous les vieux pots ébréchés : il aura du moins le plaisir de voir jouer avec leurs tessons tous les petits enfants. Pourtant, dans d'autres variantes, il finit par être vaincu. Le premier jour il a acheté tout ce qu'il y a dans Novgorod. Le lendemain il se rend au marché et y trouve deux fois plus de- marchandises que la veille : il les achète encore. Le surlendemain il y en a encore trois fois autant.
    Alors Sadko rentre en lui-même et, avec un mélange de fierté patriotique et d'humilité, fait cette réflexion: "Je ne peux pourtant pas acheter les marchandises du monde entier ; à supposer que j'achète toutes celles qui viennent d'arriver de Moscou, voici qu'arriveront celles des pays d'outremer. Sans doute, je suis un riche marchand de Novgorod : la glorieuse Novgorod est encore plus riche que moi."
    Sadko rassemblé sa droujina : car le marchand, comme le héros et le patricien, en a une à son service. D'ailleurs à Novgorod le marchand, le patricien, le héros, ne font souvent, comme à Venise ou à Florence, qu'un seul personnage. On commerce la lance à la main et l'on guerroie tout en allant à ses affaires. Il équipe trente vaisseaux : à leur tête marche le Vaisseau-Faucon, monté par Sadko lui-même. Puisqu'il est le marin par excellence, pourquoi ne monterait-il pas le vaisseau par excellence, «le père des vaisseaux?»



 L.Zhivnostka "Sadko"

L.Zhivnostka "Sadko"
Baguier. 1966  Kholouï


    Soudain une tempête formidable s'élève. Les navires aux flancs vermeils commencent à se disloquer. Sadko dit alors à ses compagnons : «Écoutez, ma brave droujina! Depuis que nous naviguons sur la mer, nous n'avons jamais payé tribut au Roi de la mer. Il est évident que maintenant il nous réclame le tribut, le tribut sur la mer bleue.» On prend alors un tonneau plein d'argent, on le jette dans les flots : la tempête continue. On précipite un tonneau d'or : elle redouble. Évidemment ce n'est pas là ce que veut le Roi de la mer. Ce qu'il veut, c'est une tête vivante. Il faut tirer au sort pour savoir qui sera jeté dans les flots.Chacun des navigateurs prend une baguette de pin : chacun y écrit son nom, on les jette à l'eau : c'est la baguette de Sadko qui s'enfonce. Il ordonne à ses compagnons de prendre des baguettes de fer, pendant qu'il en prendra une de bois. C'est le fer qui surnage, c'est le bois qui s'enfonce. Sadko voit qu'il n'échappera pas à sa destinée : il revêt une magnifique pelisse, prend dans une main l'image de saint Nicolas ou Mikoula, dans l'autre ses gousslis, et il se jette dans les flots. Soudain le voilà dans le palais du Roi de la mer, en présence du terrible monarque.
    Sur quelle mer se passe la scène? Est-ce sur l'Ilmen ou la Baltique? Sur le Volga? Sur le Don? Est-il le même que celui qui s'est montré si large envers Sadko? On ne le sait. Du moins, ils n'ont pas l'air de se reconnaître. Peut-être y avait-il autant de Rois que de mers russes.
    Le monarque a sa femme à ses côtés. Il adresse la parole à Sadko : «Je t'ai fait venir pour que tu me dises lequel est le plus précieux en Russie de l'or ou de l'acier. Voilà de quoi nous disputons ma tsarine et moi.» -«C'est l'acier, répond le marchand; sans or et sans argent il est encore possible de vivre; sans fer, dans aucune condition, l'on ne peut vivre.» Suivant quelques variantes la réponse est encore plus nette: « C'est le fer, parce qu'avec le fer on peut acquérir l'or.»
    «Qu'as-tu dans les mains?» continue le Roi de la mer. « Dans la droite, j'ai l'image de Mikoula le bienheureux, dans la gauche les gousslis de platane.» Quand il commence à en jouer, le Roi de la mer se met à danser et à se démener, agitant les pans de sa pelisse. Mais alors une voix, - tantôt celle de la tsarine de la mer, tantôt celle d'un kalik ou d'un vieillard inconnu, tantôt celle de saint Mikoula, - une voix se fait entendre à Sadko. «Écoute, Sadko, le riche marchand ! Brise ses gousslis de platane. Il te semble que le tsar danse dans son palais, mais il dansa sur les rivages escarpés de la mer.» Et en effet, pendant que le Roi se démène, les flots se soulèvent furieusement: les ondes se mêlent avec le sable jaune; maints vaisseaux aux flancs vermeils sont abîmés; mainte tête innocente périt. Sadko a brisé ses gousslis, le tsar cesse de danser, la tempête s'apaise.



I.Sérébriakov "Sadko dans le royaume maritime"

I.Sérébriakov "Sadko dans le royaume maritime"
Ecrin. 1948  Mstéra


    Une fantaisie prend au Roi de la mer: il veut marier l'aventurier, bien que celui-ci ait laissé femme à Novgorod. Demain il lui fera passer ses filles en revue, et il sera tenu de faire son choix. Le même personnage qui a donné à Sadko le conseil de briser les gousslis, lui enseigne la manière de se tirer de cette épreuve. Qu'il arrête son choix sur la dernière de toutes, la moins belle. Quand il l'aura choisie et qu'il sera avec elle dans le lit nuptial, qu'il se garde bien d'y toucher : il resterait jusqu'à la fin des temps dans le royaume de la mer. - Sadko se lève de grand matin : cent jeunes filles défilent devant lui; puis cent autres; puis cent encore. La dernière de toutes, c'est Tchernavouchka: Sadko feint de vouloir l'épouser, mais le soir venu il se souvient de l'avis de saint Nicolas. Il s'endort à ses côtés. Quand il se réveille, il se retrouve à Novgorod. Ses compagnons, qui reviennent au port désolés de l'avoir perdu, l'aperçoivent sur la jetée qui vient au-devant d'eux.
    Cette descente de Sadko dans le royaume de la mer est un motif qui se rencontre dans un très grand nombre de contes russes. Tantôt c'est un jeune paysan qui va chez le diable chercher une jeune fille à épouser; tantôt on y va pour rechercher une personne qu'on aime. Sadko, comme Vassili Bouslaévitch, malgré ses aventures fantastiques, a une certaine existence historique. Il fut un contemporain du fils de Bouslava et put se rencontrer avec lui dans les mêmes vetchés ou assemblées. Les chroniques novgorodienes parlent d'un nommé Sadko qui en 1167 éleva une église aux saints inséparables, Boris et Glèbe





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adko n'avait pas de biens :
Il n'avait que ses gousslis de platane ;
Sadko allait jouer dans les festins.
Un jour on ne convoque pas Sadko au festin de gala,
Le second, on ne le convoque pas au festin de gala,
le troisième, on ne le convoque pas au festin de gala.
Par suite, Sadko s'ennuya :
Alors Sadko alla au lac Ilmen,
Il s'assit sur une pierre blanche qui luit
Et se mit à jouer des gousslis de platane...
Alors dans le lac l'eau s'agita,
Le tsar de la Mer apparut,
Il sortit du lac Ilmen
Et dit lui-même ces paroles :
«Eh! toi, Sadko de Novgorod !
Je ne sais quoi t'accorder
Pour ton grand divertissement,
Pour ton doux jeu :
Veux-tu un trésor d'or innombrable ?
Ou sans quoi va-t'en à Novgorod
Et conclus un grand pari,
Mets en enjeu ta tête misérable,
Et obtiens comme enjeu des autres marchands
Des boutiques de marchandises fines,
Et parie que dans le lac Ilmen,
Il y a un poisson aux nageoires d'or.
Ainsi, conclus un grand pari
Et va-t'en tresser un filet de soie,
Et va pêcher dans le lac Ilmen :
Je te donnerai trois poissons aux nageoires d'or.
Alors, Sadko, tu seras heureux.»
Sadko s'en alla du lac Ilmen.
Quand Sadko arriva dans son Novgorod,
On convoqua Sadko au festin de gala.
Là Sadko de Novgorod
Se mit à jouer des gousslis de platane ;
Et on se mit à faire boire Sadko,
On se mit à régaler Sadko,
Et alors Sadko se mit à se vanter :
« Eh ! vous, marchands de Novgorod,
Je sais une merveilleuse merveille dans l'Ilmen :
Il y a un poisson aux nageoires d'or dans l'Ilmen. »
Alors les marchands de Novgorod
Lui disent ces paroles :
« Tu ne connais nullement une merveilleuse merveille,
Il ne peut y avoir dans l'Ilmen de poisson à nageoires d'or.
- Eh! Vous, marchands de Novgorod!
Que pariez-vous avec moi en grand pari?
Concluons donc un grand pari :
Je mets en enjeu ma tête misérable,
Et vous, en enjeu, des boutiques de marchandises fines.»
Trois marchands s'empressèrent d'accepter,
Ils mirent en enjeu chacun trois boutiques de marchandises fines.
Alors ils tressèrent un filet de soie
Et s'en allèrent pêcher dans le lac Ilmen :
Ils donnèrent un coup de filet dans le lac Ilmen,
Ils obtinrent un poisson à nageoires d'or ;
ils donnèrent un second coup de filet dans l'Ilmen,
Ils obtinrent un second poisson à nageoires d'or ;
ils donnèrent un troisième coup dans l'Ilmen,
Ils obtinrent un troisième poisson à nageoires d'or.
Alors les marchands de Novgorod
Livrèrent chacun trois boutiques de marchandises fines.






ur son trésor d'or innombrable Sadko
Construisit trente vaisseaux,
Trente vaisseaux, vaisseaux rouges;
Sur ces vaisseaux rouges
Il entassa les marchandises de Novgorod,
Et Sadko s'en alla sur le Volkhov,
Du Volkhov jusqu'au Ladoga,
Et du Ladoga à la rivière Neva,
Et de la Neva dans la mer bleue.
Puis il navigua dans la mer bleue,
Tourna vers la horde d'or,
Il vendit les marchandises de Novgorod,
Fit de grands bénéfices,
Remplit des tonneaux de quarante védros,
D'or rouge, d'argent pur
S'en retourna à Novgorod,
S'en revint par la mer bleue.
Sur la mer bleue arriva un très mauvais temps,
Les vaisseaux rouges s'arrêtèrent dans la mer bleue :
Il vient des paquets d'eau, les voiles s'arrachent,
Les vaisseaux rouges se brisent ;
Et les vaisseaux ne bougent pas dans la mer bleue.
Sadko le riche marchand dit à sa brave droujina :
«Eh! Toi, ma brave droujina !
Nous avons toujours voyagé en mer
Et jamais nous n'avons payé tribut au tsar de la Mer
C'est visible, le tsar de la Mer demande tribut de nous,
Demande tribut dans la mer bleue.
Eh ! Frères, brave droujina !
Soulevez un tonneau de quarante védros d'argent pur,
Jetez le tonneau dans la mer bleue.»
Sa brave droujina Souleva le tonneau d'argent pur,
Jeta le tonneau dans la mer bleue :
Mais il vient des paquets d'eau, les voiles s'arrachent
Les vaisseaux rouges se brisent ,
Mais les vaisseaux ne bougent pas dans la mer bleue.
Alors sa brave droujina
Prit un tonneau de quarante védros d'or rouge,
Laissa tomber le tonneau dans la mer bleue :
Mais il vient des paquets d'eau, les voiles s'arrachent
Les vaisseaux rouges se brisent ;
Et les vaisseaux ne bougent toujours pas dans la mer bleue
Sadko le riche marchand dit :
«C'est visible, le tsar delà Mer demande
Une tête vivante pour la mer bleue.
Faites, frères, des sorts en bois de spirée,
Et moi-même j'en ferai en or rouge,
Que chacun y inscrive son nom,
Jetez les sorts dans la mer bleue :
Celui dont le sort ira au fond
C'est à lui d'aller dans la mer bleue.»
Ils firent des sorts en bois de spirée
Et Sadko en fit en or rouge,
Chacun inscrivit son nom,
Ils jetèrent les sorts sur la mer bleue :
Les sorts de toute la brave droujina
Flottent sur l'eau comme des canards,
Et celui du marchand Sadko alla au fond comme une clef...
Sadko le riche marchand dit :
«Eh ! Frères, ma brave droujina !
Visiblement, le tsar de la Mer demande
Que le riche Sadko lui-même aille dans la mer bleue.
Apportez-moi mon encrier bien moulé,
Une plume de cygne, une feuille de papier timbré»
Ils lui apportèrent l'encrier bien moulé,
La plume de cygne, la feuille de papier timbré.
Il se mit à inventorier sa fortune :
Tel bien il le donna aux églises de Dieu,
Tel autre bien aux frères mendiants,
Tel autre bien à sa jeune femme,
Les biens restants à sa brave droujina ,
II prend ses gousslis de platane,
Et lui-même dit ces paroles :
«Jetez une planche de chêne sur l'eau :
En me mettant sur la planche de chêne,
Je n'aurai pas si peur de la mort dans la mer bleue»
Ils jetèrent une planche de chêne sur l'eau,
Ensuite les vaisseaux s'en allèrent dans la mer bleue,
Ils volèrent comme des noirs corbeaux.
Sadko resta dans la mer bleue
Par suite de sa grande frayeur
Il s'endormit sur la planche de chêne.
Sadko se réveilla dans la mer bleue,
Dans la mer bleue, au fond même.
A travers l'eau il vit le rouge soleil qui cuit,
Le crépuscule du soir, l'aurore du matin.
Sadko vit que dans la mer bleue
Se dresse un palais à pierres blanches,
Sadko pénètre dans le palais à pierres blanches :
Le tsar de la Mer est assis dans son palais,
La tête du tsar est comme un tas de foin
Le tsar dit ces paroles :
«Eh ! Toi, Sadko le riche marchand !
Il y a longtemps, Sadko, que tu voyages sur mer,
Et tu ne m'as pas payé tribut, à moi, le tsar,
Et maintenant c'est toi tout entier qui m'arrives en cadeau.
On dit que tu es un maître au jeu des gousslis :
Joue-moi donc de tes gousslis de platane. »
Alors Sadko se mit à jouer des gousslis de platane,
Et le tsar de la Mer à danser dans la mer bleue,
Et le tsar de la Mer ne cessait pas de danser.
Sadko joua pendant un jour,
Joua pendant un second,
Et Sadko joua encore pendant un troisième,
Et toujours le tsar de la Mer danse dans la mer bleue.
Dans la mer bleue l'eau ondula,
L'eau se mêla au sable jaune,
Beaucoup de vaisseaux furent démolis dans la mer bleue
Beaucoup de biens périrent,
Beaucoup de braves gens furent noyés
Alors le peuple alla prier Mikola de Mojaïsk.
Alors Sadko se sentit touché à l'épaule droite.
«Eh! Toi, Sadko de Novgorod !
Cesse de jouer sur les gousslis de platane ! »
Sadko de Novgorod se retourne, regarde :
Un vieillard tout blanc est là debout.
Sadko de Novgorod dit :
«Je n'ai pas ma liberté dans la mer bleue,
J’ai reçu l'ordre déjouer sur les gousslis de platane.»
Le vieillard dit ces paroles :
«Alors, arrache les cordes des gousslis,
Alors, brise les clefs.
Et dis : «Je n'ai plus de cordes,
«Et mes clefs ne valent plus rien,
«Je ne puis pas jouer davantage
«Mes gousslis de platane se sont brisés.»
Le tsar de la Mer te dira :
Ne veux-tu pas te marier dans la mer bleue
«A une belle jeune fille ?»
Dis-lui alors ces paroles :
« Je n'ai pas ma liberté dans la mer bleue
Le tsar de la Mer te dira encore :
«Eh bien ! Sadko, lève-toi le matin de bonne heure,
«Et choisis-toi une jeune beauté.»
Quand tu te choisiras une jeune beauté,
laisse passer d'abord trois cents filles,
En second lieu, laisse passer trois cents filles,
En troisième lieu, laisse passer trois cents filles,
Derrière marchera une jeune beauté,
La jeune beauté Tchernavouchka,
Prends cette Tchernava en mariage.
Quand tu te coucheras la première nuit,
Ne fais pas avec ta femme l'amour dans la mer bleue :
Car tu resterais éternellement dans la mer bleue;
Mais si tu ne fais pas l'amour dans la mer bleue,
Tu te coucheras auprès de la jeune beauté
Et tu seras, Sadko, à Novgorod...
Sadko arracha les cordes des gousslis de platane,
Brisa les clefs de ses gousslis...
Le tsar de la Mer lui dit :
«Eh ! Toi, Sadko de Novgorod,
-Ne veux-tu pas te marier, dans la mer bleue,
à une belle jeune fille ?
Sadko de Novgorod lui dit :
«Je n'ai pas ma liberté dans la mer bleue
Le tsar de la Mer lui dit de nouveau :
«Eh bien ! Sadko, lève-toi le matin de bonne heure,
Choisis-toi une jeune beauté.»
Sadko se leva le matin de bonne heure,
Il regarde : arrivent trois cents jeunes filles ;
Il laissa passer d'abord les trois cents filles,
En second lieu, en laissa passer trois cents,
En troisième lieu, en laissa passer trois cents ;
Derrière arriva une jeune beauté,
La jeune beauté Tchernavouchka,
Il prit en mariage cette Tchernava.
Alors il y eut chez eux banquet, festin de gala ;
Alors Sadko se couche pour la première nuit,
Il ne fit pas avec sa femme l'amour dans la mer bleue.
Puis Sadko se réveilla à Novgorod,
Près de la rivière Tchernava, sur la rive escarpée ;
Il regarde, voici qu'accourent
Ses vaisseaux rouges sur le Volkhov.
Sadko accueillit sa brave droujina
Et l'emmena dans son palais à pierres blanches.
Là sa femme fut remplie de joie,
Elle prit Sadko par ses blanches mains,
Le baisa à ses lèvres sucrées.
Sadko se mit à décharger de ses rouges vaisseaux
Sa fortune, son trésor d'or innombrable.
Quand il eut déchargé ses rouges vaisseaux, .
Il construisit une église cathédrale à Mikola de Mojaïsk
Sadko n'alla plus sur la mer bleue,
Sadko resta à vivre à Novgorod.